Dans notre organisation pécuniaire pour ces vacances nous avions défini une règle : chacun paye quand il en a envie, on fera les comptes à la fin… on peut difficilement faire pour simple. De mon côté, avant de partir, j’avais réservé tous les hôtels en ligne sans avoir rien payé. Jean-Claude, lui, avait bloqué avec Brittany Ferries les traversées St Malo / Portsmouth de la voiture ronde et de ses trois passagers ainsi que les cabines. Partant de là nous sortions notre carte bleue à tour de rôle pour régler qui un hôtel, qui un restaurant ou le plein d’essence. Ce matin là, en quittant le Western Isles c’est Anne-Laure qui s’y colle. Quelques minutes plus tard, alors que nous photographions les façades colorées, dignes de l’univers de Jacques Demy, sur le front de mer de Tobermory, dialogue :
W : au fait qui est-ce qui a payé l’hôtel ?
JC : c’est Anne-Laure
AL : oui c’est moi et d’ailleurs c’était pas cher !
W : ah bon ?
AL : en fait ils n’ont pas compté les chambres…
JC : tu crois ?
AL : oui regardez la facture. J’ai bien insisté en disant que je payais tout mais ils ont dit que c’était le total… parce que les chambres seront prélevées via Booking.
W : bon bah très bien.
Et puis le doute m’étreint: les chambres que nous avions eues étaient tellement belles, j’ai soudain peur qu’il y ait un embrouillamini et qu’ils me prélèvent beaucoup plus que prévu. Je vois déjà arriver le relevé de compte délesté de 2000 euros pour la seule nuit sur Mull… Avant de céder à la panique je préfère remonter à l’hôtel pour éclaircir la situation. Finalement pas lieu de s’inquiéter, nos magnifiques chambres vue mer étaient bien au prix indiqué et le règlement se fera effectivement par Booking. Ouf ! C’est bien la première fois que Booking sert de plateforme de règlement après coup… Soyons confiant (il n’y a d’ailleurs eu aucun problème).
Après cet intermède financier nous décidons de faire le tour du nord de l’île, notre ferry pour rejoindre la terre ferme n’est qu’à 15h, nous avons le temps.
L’île est aussi belle qu’au soleil couchant, vallonnée, agricole autant que sauvage et majestueuse. Nous découvrons la dure vie des touristes sur les « one track road » (routes à une seule voie) : la veille nous n’avions croisé que peu d’automobiles, probablement à cause de l’heure; ce matin, même si ce n’est pas non plus la Rue de Rivoli un samedi après-midi, nous croisons quelques voitures autochtones et nous comprenons vite qu’avec notre immatriculation française nous n’avons, quelque soit la configuration de la route, absolument pas la priorité. « Vous verrez les écossais sont hyper accueillant, dévoués et chaleureux » qu’on nous avait dit avant de partir… je t’en fous ! Sur la route ils sont comme les autres, bornés, butés, et définitivement fermés à laisser une voiture étrangère gagner ne serait-ce qu’un centimètre sur le territoire qui est le leur !
Nous traversons d’abord une campagne où des fermes se dissimulent derrière des murets de pierres et des bois qui ne sont pas sans rappeler la Bourgogne que nous aimons tant avec Anne-Laure, puis les arbres s’éclaircissent, la route descend vers la mer et nous mène tout naturellement jusqu’à une plage de sable blanc ! Je m’attendais à tout en venant en Ecosse mais pas à me retrouver sur une plage aux allures de Maldives. Alors que nous marchons dans la grande étendue de oyats qui précède la plage, Jean-Claude fait le rapprochement avec les landes où ces végétaux sont plantés pour éviter le déplacement des dunes.
Plus loin c’est un paysage de roches déchiquetées et des falaises presque noires; un décor sauvage et majestueux… Comme presque partout sur l’île, les routes n’ont qu’une voie et celle qui longe le littoral déchiqueté ne fait pas exception. Dans une descente nous nous retrouvons nez à nez avec une autre voiture de touriste. L’un de nous doit faire marche arrière jusqu’à à la « passing place » la plus proche. L’espagnol qui nous fait face ne semble pas très à l’aise entre montagne et précipice et peine à rebrousser chemin malgré l’aide de son fils, sorti du véhicule pour le guider. Tout cela est tellement laborieux que Jean-Claude, qui tient le volant, décide de faire une marche arrière, c’est périlleux mais beaucoup plus rapide qu’en face. L’ibérique et sa famille sont délivrés et nous pouvons reprendre la route. Nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’en été, lorsque les touristes sont beaucoup plus nombreux à arpenter l’Ecosse, ces routes doivent être un véritable calvaire !
Le paysage change encore; s’adoucit, nous retrouvons des fermes et des terrains agricoles s’étalant jusqu’à la mer. Les monts qui nous entourent se font plus dociles. Un berger et son border collie mènent un troupeau de moutons sur les collines vertes; dans un virage en surplomb de la mer trois vaches Highlands semblent poser dans la lumière zénithale pour tableau naturaliste du XIXeme siècle.
Cette île est un véritable enchantement. J’aimerai rester là encore quelques heures à regarder ces paysages aux couleurs changeantes dans la lumière de ce début de printemps… mais le ferry pour Oban nous attend ! Nous déjeunons en terrasse non loin de l’embarcadère, l’endroit n’est pas des plus cosy, et la nourriture pas bien passionnante mais dans la ville (sic) de Craignure les estaminets ne sont pas légion. Nos fish and chips et consort engloutis, il est presque l’heure du départ, nous nous précipitons dans la voiture, fonçons à l’embarcadère et nous positionnons fièrement devant la demoiselle a l’entrée de la passerelle d’embarquement. Elle éclate de rire, tendant son bras vers la droite. En suivant sa main du regard nous découvrons une longue file des véhicules que nous n’avions pas remarqués, persuadés d’être en retard, qui attendent pour monter à bord. Ridicules.
Une petite heure de sieste plus tard, retour sur la terre ferme, Oban que nous quittons immédiatement direction Glencoe et sa vallée.
Panneau point de vue Castle Stalker + envie de café au soleil = petite halte ! Au bout du parking réservé aux clients du troquet-boutique de souvenirs une barrière s’ouvre sur une sente : entre les ajoncs, le château ou plutôt maison-tour sur une petite île au milieu du Loch Laich. Une vraie carte postale Écossaise.
Lorsque nous arrivons dans la vallée de Glen Coe le soleil commence à décliner et les paysages montagneux que nous découvrons sont baignés d’une splendide lumière dorée. C’est absolument grandiose… Les quelques photos illustrant mon guide vert ne donnaient pas la mesure de ce qui nous attendait. Il nous reste à peine assez de souffle pour pousser des « Oh », « Ah », « Oh la la » et autre « Oh la vache ! ». Les mots que je pourrais trouver n’exprimeraient sans doute pas ce que nous ressentons, ni ne pourraient décrire ce que nous traversons. Nous poussons jusqu’au lieu dit Altnafeadh avec le soleil dans le dos puis en sens inverse avec le soleil en face pour profiter au maximum des paysages qui nous entourent.
À Ballachulish, quelques photos d’une église et son cimetière puis il est temps de rejoindre notre hôtel sur l’autre rive du Loch Linnhe, à Onich. Extérieurement il ne paye pas de mine mais l’intérieur est une succession de salons moelleux. Le jeune qui nous accueille est cordial mais un peu étrange. Tant qu’il ne planque pas sa mère momifiée dans le grenier et ne vient pas me trucider dans la baignoire à pattes de lion de notre salle de bain toute victorienne. Pour une fois, à notre arrivée, la cuisine n’est pas pressée de fermer ses portes, nous profitons alors des canapés et d’un petit verre de Lagavulin des images de Mull et de Glencoe plein la tête.
Dormir dans la région de Glencoe
Encore un hôtel bien sympathique. Si l’extérieur est un peu froid et ne laisse pas forcément présager du meilleur, l’intérieur se révèle tout autre : une succession de salons, tous plus chaleureux les uns que les autres, de belles chambres avec vue sur le Loch Linnhe, une bonne table et un bar au très large choix de whisky pour parfaire votre connaissance de l’Ecosse… Une bonne adresse entre lac et montagnes à quelques encablures de Glencoe et Fort William.