Texte d’Anne-Laure Bichet
LOCH LOMOND
J’ai connu Karen il y a 14 ans environ. Écossaise chaleureuse, drôle et enthousiaste, elle m’a vite donné envie de son pays. Ainsi, depuis 14 ans, je gardais dans un coin de ma tête les conversations et invitations à venir sur ses falaises battues par les vents et la pluie…, mais pas que !
Régulièrement, je prenais une carte et je positionnais les lieux qu’il me semblait incontournable de visiter. L’Ecosse se retrouvait vite recouverte de points de repère, disséminés à travers tout le territoire : trop d’endroits, trop de distance, pas assez de temps pour tout voir en un seul séjour… Pas de voyage organisé permettant de tout couvrir… Il aurait fallu une voiture et des compagnons de route…
Les années ont filé. J’ai visité d’autres lieux, randonné sur d’autres chemins, le plus souvent en Bretagne. Je me rapprochais…
Et un jour, j’ai rencontré un Barbu voyageur à qui j’ai fait part de mes destinations de rêve. Nous en avions quelques unes en commun. Les mois ont passé. Nous n’étions jamais vraiment libres ensemble pour autre chose que de longs week-ends…
Puis fin Janvier 2017, je reçois ce sms: « Deux questions : dimanche tu viens voir la fin de Hair ? Fin mars tu viens avec nous en Ecosse ? », auquel je réponds, sans me poser 36 000 questions, pour une fois : « Mais grave. Mais grave. » C’était parti. Mon voyageur s’étant vu proposer cette destination par son amoureux, avait accepté sous condition : m’emmener, puisqu’il m’avait fait la promesse d’y aller avec moi. L’amoureux avait dit « oui » et l’écriture du roadtrip a débuté. Pour moi, dans des conditions que je n’aurais pu imaginer !
Alors quand j’ouvre les yeux ce matin là, je me pince : je suis en Ecosse !
Les garçons sont aussi impatients que moi de quitter le Erskine Hotel et de démarrer LE voyage.
Direction Loch Lomond, notre premier Loch, le plus grand. Nous sommes tellement pressés de découvrir ce miroir immense parsemé d’îlots qui est reconnu comme l’une plus belles merveilles naturelles de Grande-Bretagne !
Et peut-être, qui sait, mille sabords, y croiserons nous le Capitaine Haddock en train d’y déguster son whisky préféré : le Whisky Loch Lomond 😉 !
Nous nous garons à Luss et perdons un peu de notre excitation… J’ai l’impression de débarquer dans une immense base nautique. Le parking est payant, déjà bien plein et avant d’atteindre l’eau, nous devons traverser une pelouse, aménagée en aire de pic-nic. Un drame : welcome to ‘Cradoland’… C’est à pleurer ! Le sol est jonché de détritus et de restes de BBQ. Des colonies de bouteilles de bières vides recouvrent les tables…
Comme il vaut mieux en rire, je m’installe dans ce dépotoir et pose, faussement avinée (embièrisée devrais-je plutôt dire, au vu des cadavres autour de moi) devant l’objectif de Wilfried, trinquant à la santé du Capitaine. Prendre des photos, c’est aussi donner à voir le côté obscur…
Le Loch est caché derrière des arbustes. Nous débouchons sur une plage envahie par des promeneurs, des familles, des canoës, des jets ski… L’eau est d’un bleu profond et des canards s’ébattent à proximité de la rive, éclaboussant quelques chiens. Je me refugie sous un ponton afin de capturer une ambiance, un angle de vue différent, puis rejoins Wilfried et Jean-Claude, qui après leur balade, se sont, eux, réfugiés dans la boutique de souvenirs, dont ils ressortent les mains vides : le syndrome « Début de voyage, on trouvera mieux ailleurs » ( pas toujours vrai, mais cela ne se confirmera que plus tard…) a frappé !
Nous sommes un peu sauvages et le Loch, à cet endroit, ne l’est pas suffisamment. Nous reprenons donc la route, sûrs qu’elle nous réservera les surprises attendues.
Moi, en tous les cas, je suis au cinéma : assise sur la banquette arrière, il y a devant moi les nuques de ces deux garçons, assis côte à côte. Deux profils qui encadrent le paysage de ce roadmovie. Ces visages qui délimitent l’image, la ligne que l’on suit, et qui, dans le même temps, l’ouvrent sur un ruban de verdure, mais aussi de terres roussies par la bruyère brûlée d’avoir pris trop de liberté.
Ces deux sourires qui éclairent de gentillesse et d’attentions le scenario de mon rêve éveillé.
Assise sur la banquette arrière, bien au chaud sous mon bonnet, j’assiste à la plus prometteuse projection qui soit.
Le beauté envahit tout l’écran.
DEJEUNER A CRIANLARICH
Au pied de montagnes tachetées de jaune paille et de vert tendre, une façade baignée par le soleil, d’un blanc lumineux, un toit noir charbon. Nous sommes à Crianlarich, au nord du Parc national Trossachs. La voiture est décapotée et nous songeons à une pause en terrasse afin de profiter de notre chance : l’Ecosse sous le soleil. Nous ne savons pas ce que nous réserve le Ben More Lodge, mais nous choisissons de nous y arrêter pour déjeuner.
Nous poussons la porte du restaurant et entrons dans un bar. L’endroit fait penser à un chalet ambiance country : du lambris, des guitares qui décorent les murs, une tête de cerf au-dessus de la cheminée et 3 musiciens d’une soixantaine d’année qui grattent leur instrument entre 2 bières.
Une jeune femme nous demande si nous souhaitons manger dehors. Après un grand « oui » unanime, elle nous emmène à l’arrière du bâtiment, dans une cour minuscule avec 3 tables en bois, bancs intégrés. Nous nous installons à l’une d’elle. Nous nous retrouvons très vite bras nus (il fait plus de 22 degrés) et contemplons ce qui nous entourent : des collines. Partout. Perdue dans les broussailles, une vieille caravane posée à même le sol, comme il y en a tant ici. Et toutes proches, en arrière-plan, les cimes du Ben More, marbrées de neige.
FERRY POUR MULL
Le déjeuner terminé, nous avons une heure pour rejoindre le port d’Oban, dans le comté d’Argyll. Nous prenons le ferry pour les Hébrides.
Cette phrase a une résonance particulière ? Les Hébrides…, ça brille comme une plage de sable blanc, de la soie turquoise parsemée d’éclats de diamants… ça brûle comme le feu d’un soleil permanent…
Allo…? Nous sommes en Ecosse !
… Ben ouai, ben tu verras… On ne te dit rien !
Situées à l’ouest, les Hébrides intérieures sont un archipel comprenant plusieurs îles dont Skye et Mull, sur laquelle nous nous rendons aujourd’hui.
Je crois que c’est sur la route nous menant à Oban que je me suis octroyée ma première sieste. J’ai emmené un petit coussin, mais finalement je m’installe bien douillettement sur les blousons des garçons et m’endors. Lorsque j’émerge, nous sommes à l’embarcadère et de très nombreuses voitures attendent déjà le top départ. Je ne sais pas trop où nous en sommes, les garçons s’agitent pendant que je m’étire, et descendent de la voiture pour aller acheter nos billets. Ils reviennent très déçus: la caissière leur a dit que le bateau est plein. Et le prochain départ est à 18h.
Comme nous avions prévu de commencer la visite de Mull cette fin d’après-midi, ce retard nous contrarie car nous n’avons pas du tout envie d’amputer une partie de notre visite de l’île.
Je suis encore à 2 de tension quand les dockers nous font signe de loin : « Vite dépêchez-vous, le ferry va partir ! » – « Mais on nous a dit qu’il était plein ! »- « Non, non, on vous attendait ».
Nous voilà donc à bord du An t-Eilan Muileach. La traversée ne dure que 45 minutes. Nous restons sur le pont, d’abord parce qu’il y fait bon et parce que nous voulons nous rassasier, encore, d’espace : des montagnes enneigées, un phare blanc accrochant le regard dans l’immensité bleue, puis très vite, les côtes de Mull, et sur un rocher, à pic, les remparts du château de Duart.
Nous débarquons à Craignure. Wilfried et Jean-Claude étudient la carte pour rejoindre rapidement Duart Castel. Nous apprivoisons les routes étroites et sinueuses de l’île, croisons quelques moutons et moultes vaches, et arrivons facilement à destination. Malheureusement, le château n’est ouvert que de Mai à Octobre. Nous poursuivons vers l’ouest et Tobermory où nous dormirons ce soir.
C’est la fin de l’après-midi et la nuit commence très doucement à tomber. Nous ne sommes pas préparés à ce que nous allons voir. C’est tellement merveilleux qu’aucun peintre, aucun magicien, ne pourrait nous proposer ce que Dame Nature va nous offrir ce soir-là. A chaque tournant, à chaque minute, le décor se métamorphose.
Plus la soirée avance, plus le ciel se transforme et avec lui, toute la végétation environnante. Il paraît que c’est coutumier quand le lendemain s’annonce ensoleillé. Telle une jeune fille, le ciel commence par rosir du plaisir de nous préparer une belle journée. Il s’illumine le teint d’un peu d’ocre puis dépose un voile d’un rose poudré, et nous regarde nous étonner. Il poursuit son féérique maquillage par un léger coup de blush pour rehausser même la blancheur des nuages. Puis, bientôt, la lumière semble disparaître. Alors, voulant s’assurer que nous avons bien compris ce qui nous attendait, le ciel se saisit d’un pot rempli d’un liquide laiteux et en éclabousse tout ce qui nous entoure jusqu’à la mer. Puis, il sème au vent des pigments de fuchsia et tel un barbouilleur surdoué, il étale, par touches plus ou moins prononcées, ce savant mélange.
Nous voilà face à une toile miraculeuse. Un bain de lumière retrouvée, car le ciel a convié à cette fête le soleil couchant et les 2 amis, en s’amusant, nous inondent d’une douceur apaisante.
C’est avec les yeux brillants que nous découvrons le Western Isles Hotel, sur les hauteurs de Tobermory. L’enchantement se poursuit sur la terrasse de l’hôtel qui surplombe le port, puis dans les chambres somptueuses, bénéficiant de grandes baies vitrées qui sont le plus grand luxe de ce havre de bien-être, qui « nous prend dans ses bras, nous parle tout bas… »
Nous descendons dîner. La journée se termine. Je suis en Ecosse. Je suis avec Jean-Claude et Wil. Mon cœur bat au rythme de l’amitié.
Je pense à toi avec bonheur, Karen.
Dormir sur Mull
Wow wow wow ! Alors ça c’est un bel hôtel ! Depuis 150 le Western Isles regarde du haut de son promontoire la mer, le village, le port et la baie de Tobermory ! Un bâtiment de caractère, un accueil chaleureux, de belles chambres à la décoration élégante, un restaurant en véranda (ici la déco pêche un peu) et une très bonne cuisine. Je ne saurai vous dire mieux que : allez-y !