Il y a des noms de lieu qui font rêver. On ne saurait pas toujours les situer sur une carte mais ce sont des noms qu’on a toujours entendus. Qui créent un imaginaire (parfois complètement faux d’ailleurs). Zanzibar, Pondichéry, Djakarta, Tombouctou, Valparaiso… Ah Valparaiso ! Je m’égare… Cette géographie onirique n’est sans doute pas la même que l’on soit Français, Turc, Chinois, Chilien… Question de culture. On fantasme moins sur une ville qui se trouve à 50 km de chez soi. En France il y quelques noms comme ça qui me font rêver, dont celui de Luberon. Vous aussi ? Alors que finalement le Luberon c’est simplement une chaîne montagneuse au cœur de la Provence, estampillé Parc naturel régional et classé biosphère par l’Unesco depuis 1977… Présenté comme ça, ça n’a pas grand chose de palpitant. Mais si je vous dis que le Luberon regorge de petits villages médiévaux, nichés sur des éperons rocheux, émergeant d’une dense forêts de chênes et de pins. La blondeur de la pierre tranchant sur le vert tendre qui l’entoure. C’est déjà mieux, non ? Ajoutez à cela d’immenses champs de lavande qui, même lorsqu’ils ne sont pas en fleur embaument la vallée. Le perpétuel chant des cigales. Le vent qui court dans le lacis des ruelles pavées que l’on nomme ici calades, rafraîchissant l’air étouffant du début du mois d’août. En contrebas, écrasés de soleil, des terres agricoles où poussent vignes, pêchers et oliviers… Dernière touche au tableau quelques cyprès ça et là qui donnent des faux airs de Toscane. Voilà vous êtes à Gordes ! L’un des plus beaux villages de France. Les premiers promoteurs étaient celtes, avant que les cisterciens n’y fissent bâtir une abbaye au VIIIe siècle puis, au XIe, Guillaume d’Agoult une forteresse, transformée en château renaissance au XVIe par Bertrand de Simiane, Baron de Gordes (titre qu’il semble s’être choisi lui-même…). Aujourd’hui le château est toujours au centre du village mais ce sont surtout les touristes américains qui arpentent les calades… On les comprend c’est « so charming » !
Un peu avant Gordes on trouve un village de bories : petites maisons de pierres sèches, des lauzes, assemblées sans mortier ni eau, une technique qui remonte au néolithique. Si l’on en compte environ 400 aux abords de Gordes, dont certaines datent de cinq siècles, la vingtaine d’habitations, bergeries ou granges, qui composent cet éco-musée de l’habitat rural a été restaurée dans les années 60. L’épaisseur des murs de ces « cabanes » permet d’y maintenir une température fraîche même en plein été, et c’est tant mieux car le plateau où elles sont situées est en plein cagnard ! Ici pas de vent. En plein après-midi c’est difficilement tenable…
Un autre village remarquable non loin de là : Roussillon. Jetons-y un œil ! Cette fois point de ruelles pavées, point de pierres dorées au soleil, mais des maisons aux façades ocre-rouge. D’où croyez-vous que le village tire son nom ? Comme à Gordes le village s’étage à flanc de colline jusqu’à une petite place où se tient non pas un château mais une église. C’est beaucoup plus petit que Gordes mais tout aussi charmant. Les façades peintes donnent là encore une impression d’Italie… Mais si vous poussez jusqu’à la sortie du village vous ferez d’un coup un bond jusqu’en Utah ! D’anciennes carrières d’ocre, du jaune le plus vif au rouge le plus sombre, donnent aux falaises de Roussillon des allures de décor de western. À Rustrel d’autres carrières comme celles-ci ont d’ailleurs été surnommées le « Colorado provençal » ! Si l’ocre est utilisée comme pigment en peinture depuis la préhistoire, c’est à un roussillonnais, Jean-Étienne Astier, à la fin du XVIIIe siècle que l’on doit son extraction de manière industrielle. Une industrie florissante jusque dans les années 1930 qui produisait jusqu’à 36 000 tonnes dans le pays d’Apt avant de péricliter avec l’apparition des colorants synthétiques. Aujourd’hui rendues à la nature ces carrières offrent une belle balade aménagée entre les pins, aux troncs parfois rouges à cause du sable soulevé par le vent, qui permet d’admirer ces incroyables paysages aux couleurs chatoyantes.
Je ne pensais vraiment pas qu’on pouvait voir tout ça dans le Luberon…
Bon… Ok ! Gordes et Roussillon ne sont pas sur le massif du Luberon mais sur celui du Vaucluse qui lui fait face. Mais de là on a une belle vue sur le versant nord du Luberon et c’est déjà pas mal !