16 novembre 2018
Josefov et la vieille ville

Est-ce parce qu’un beau et franc soleil m’accompagne cette fois-ci, ou peut-être les façades ont-elles été ravalées depuis ma dernière venue mais j’ai l’impression de découvrir leurs couleurs pour la première fois. Même la place Venceslas que nous devons traverser chaque fois que nous quittons notre hôtel pour nous rendre plus au centre, s’émaille de quelques belles façades colorées. Dans mon souvenir elle était plutôt grise et terne. À Paris notre patrimoine haussmannien, bien que très harmonieux et somme toute assez élégant, ne se pare d’aucune couleur, leur préférant une pierre nue aux teintes grèges… J’aime ces paysages urbains au couleurs vives ou plus tendres que j’ai pu traverser à Vienne, en Italie, où comme ce matin à Prague. Je m’émerveille aussi du fait que cette même place – sorte de Champs-Élysées praguois – ne présente pas les enseignes internationales que l’on trouve désormais dans chaque grande ville… Cela viendra sans aucun doute. 

En attendant nous poussons la porte de la Maison Municipale (Obecní dům), symbole de la Sécession pragoise. Nous ratons – hélas – de peu la visite commentée mais ne nous contentons pas pour autant du hall et de la kavarna (caverne ou taverne ?) – dont je gardais un souvenir ébloui – et descendons voir par nous-même le sous-sol aux murs carrelés céladon où viennent se perdre quelques motifs de coccinelles stylisées. Au bout du couloir, un bar américain et un grand restaurant, alors qu’on s’attendrait à y trouver une piscine tant le décor aux teintes bleu-vert évoque les eaux calmes d’une station thermale. Sans guide nous ne pouvons malheureusement pas accéder à la salle de spectacle à l’étage, dite salle Smetana, ni aux salons de réception. ils doivent être somptueux comme le reste… peut-être une prochaine fois. 

Si le château semblait hier nous appartenir tant le touriste se faisait rare, ça n’est vraiment plus le cas aujourd’hui. Place de la vieille ville il y a foule. Comme un jour de marché à Uzès les commerçants en moins. Tout autour d’autres façades colorées, gothiques pour la plupart, baroques pour les autres, l’église Notre-Dame du Týn dont les tours chapeautées de flèches noires acérées sont reconnaissables entre mille, l’élégante façade baroque de l’église Saint-Nicolas couronnée de vert, l’imposant monument à la mémoire de Jan Hus, réformateur brûlé pour hérésie en 1415, la colonne mariale renversée par les ultranationalistes en 1918, qui la considéraient comme le symbole du joug de l’Autriche, les maisonnettes de bois d’un marché de Noël sous les arbres roux…

Mais c’est devant l’hôtel de ville bâti en 1338 et sa fameuse horloge astronomique que la foule se fait vraiment dense. De 9h à 23h, lorsque sonne l’heure, deux portes s’ouvrent, en amont du cadran, laissant apparaître les automates des douze apôtres ; pendant que ceux-ci défilent d’autres marionnettes s’agitent ailleurs sur la façade. Il est presque l’heure ; nous nous glissons parmi les badauds, essayant d’avoir une position stratégique permettant de tout voir. À l’heure dite, tout se met en branle. Le spectacle commence. On n’entend plus que le cliquetis des appareils photo. Une minute plus tard tout est terminé. Circulez y a rien à voir ! Ce qui devait être une véritable féérie doublée d’une prouesse technique au XIVe siècle paraît de nos jours assez anodin. Les effets spéciaux des Star Wars et consorts nous auront probablement blasés… Pour cacher notre déception nous entrons successivement dans l’église Saint-Nicolas et dans Notre-Dame du Tyn. La première est aussi petite a l’intérieur qu’elle paraît imposante à l’extérieur. Aux quatre coins de la nef, presque carrée, aux murs blancs, de lourds balcons ouvragés, au centre un gigantesque lustre en cristal. Je repense à cette église visitée il y a quelques années en Bavière où là aussi les dorures, les stucs et les bois peints tranchaient sur des murs immaculés. L’entrée de la seconde ne se situe pas directement sur la place, il faut emprunter un étroit passage entre deux cafés. À l’intérieur, des grilles sur lesquelles des pancartes annoncent l’interdiction de photographier ferment l’accès à la nef, un vigile inspecte les visiteurs un à un et leur rappelle s’il en était besoin que les photos sont interdites. Alors qu’arrive notre tour l’homme disparaît nous laissant le champ libre. Envie pressante, pause syndicale ou déjeuner ? Peut importe, je peux faire toutes les photos que je veux… Mais le vaisseau est trop sombre en bas et trop lumineux en haut pour réussir de bonnes photos. 

À notre tour de faire une pause, nous retournons déjeuner à la Maison Municipale sous les lustres dorés de la kavarna, d’un autre goulasch au pain de mie servi par un géant débonnaire au français impeccable. 

En cette mi-novembre le soleil se couche beaucoup plus tôt qu’à Paris, nous nous dépêchons de rejoindre Josefov, le quartier juif, et son fameux cimetière avant la nuit. Contrairement à ce que j’avais imaginé l’entrée de ce dernier est payante et aucun des billets proposés ne permet de voir uniquement le cimetière, sa visite est forcement jumelée avec celle des bâtiments alentours. La file n’avance pas vite, beaucoup se découragent devant la lenteur et probablement aussi à cause du prix. Pendant que nous étudions les différentes combinaisons de billets possibles une jeune femme qui fait la queue devant nous, nous explique que dans une petite rue adjacente un trou dans le mur permet de voir les tombes… Hésitation. Nous choisissons finalement de rester où nous sommes et de ne pas prendre le risque être déçus, obligés de revenir sur nos pas, et de refaire la queue dans quinze ou vingt minutes. La visite commence par la synagogue Pinkas, devenue mémorial de la Shoah. Sur ses murs blancs, écrits à la main, en noir et rouge, les noms de tous les juifs de Bohême et de Moravie décédés pendant la seconde guerre mondiale. C’est impressionnant et terriblement graphique. Nous cherchons nos noms qui, bien franchouillards, n’apparaissent pas puis ceux de quelques amis que nous ne trouvons pas non plus. Tant mieux, cela n’aurait fait qu’ajouter de l’émotion à ce lieu qui en regorge… Nous voici dehors, dans ce fameux cimetière de Prague. Au delà des murs d’enceinte de somptueuses façades, devant nous des arbres plus ou moins dénudés et à nos pieds des stèles dans tous les sens. Un vrai décor de film ! Il aurait été dommage de ne voir ça qu’à travers un trou dans un mur. N’ayant rien lu sur le sujet avant ma visite, je pensais bêtement que ce cimetière avait un rapport avec la Shoah. En fait les quelque 12000 pierres tombales ont été posées entre le XVe et le XVIIIe siècle ! 

Alors que nous arpentons la seule allée qui serpente entre les sépultures, un petit vent s’amuse à envoyer valser toutes les trois minutes la kippa en papier bleu nuit que l’on a jointe à notre ticket d’entrée et que nous devons porter afin de n’offenser personne ; je comprends mieux aujourd’hui pourquoi certains mettent une barrette pour maintenir leur petit couvre-chef. À la sortie, le musée juif, établi dans l’ancienne morgue du cimetière, ne me passionne pas, je laisse à Jean-Claude le soin d’étudier les cartouches légendés et les antiques plans du quartier. Nous abandonnons le quatrième point de visite de notre billet… Une promenade au long de la Vltava et dans les ruelles du vieux Prague nous tente beaucoup plus. Là encore dans mon souvenir les murs étaient grisâtres et l’ambiance sombre, alors que de belles couleurs les recouvrent. S’agit-il vraiment des même rues ? Je finis par en douter.

Nous rentrons à l’hôtel en empruntant quelques-uns des nombreux passages qui perforent à peu près tous les pâtés de maisons ici, faisant de Prague un véritable gruyère. Certains sont dotés de galeries commerçantes ou l’ont été, beaucoup sont publics mais d’autres ne sont accessibles qu’en passant les portes des immeubles, ils n’ont dans l’ensemble pas très fière allure. 

C’est dans l’un de ces passages privés, derrière une porte cochère que se cache l’entrée du Klub 21, bar gay en sous-sol aux allures de Bierstube (littéralement « brasserie », mais ce terme français ne rend absolument pas compte du décor et de l’ambiance typique à ces pubs au lourd mobilier de bois blond). Nous nous y rendons à « l’heure de l’apéro »… Ce n’est pas la foule des grands soirs. Il y a là quelques hommes, seuls pour la plupart, attablés devant une pinte de bière, les yeux rivés sur leur smartphone. Heureusement que le wi-fi fonctionne dans cette cave ! Tout ça manque un peu de convivialité. Ça n’est heureusement pas le cas dans le restaurant de quartier où nous atterrissons un peu plus tard. Nous passons au Temps Oublié un merveilleux dîner, cernés d’affiches d’un Ciné-Revue local sur lesquelles des vedettes en noir et blanc, totalement inconnues de nous et probablement oubliées de la plupart des Tchèques, prennent la pause.

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