29 juillet 2017
Phaïstos

Le lendemain de notre arrivée à Lentas : repos ! Les vacances c’est aussi fait pour se détendre, donc pas de visite. De jour, Lentas est vraiment charmante : deux bazars, quelques résidences de location de vacances, une demi-douzaine de tavernes, tout est piéton… je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec les villages du Club Méditerranée où je passais mes étés étant enfant. Malheureusement la plage est assez étroite et nous trouvons difficilement une place pour poser nos serviettes. Qu’en est il à Dytikos, à quelques kilomètres, traversée la veille au couchant, et dont la plage, entr’aperçue en roulant, nous sembla alors gigantesque. Wow ça c’est de la plage ! Large, longue d’au moins deux kilomètres, du sable gris, presque noir, et toute la place que nous voulons pour nous étaler au soleil brûlant.

Si Lentas évoque un tourisme suranné, de vieux routards de toutes nationalités aiment à y revenir, fuyants le luxe des resorts actuels, pour retrouver année après année, seuls ou en famille le calme de leur petite plage, Dytikos nous offre une plongée dans le temps encore plus radicale. Le village est inversement proportionnel à la taille de sa plage : une boutique de bijoux et de poteries vaguement artisanaux, deux ou trois tavernes et presque pas d’hébergements… mais la route est bordée de combis Volkswagen, la plage parsemée de tentes et de huttes, et les vacanciers s’y font dorer nus ou habillés en toute sérénité. Je pensais avoir vu, parqués dans leur camping, les derniers hippies à Ibiza, reproduisant ostensiblement l’imagerie Peace & Love à grand coups de paréos bariolés, de dreadlocks, d’odeur de chichon, de breloques et de bijoux en tous genres. Ici rien de tel, même si certain se posent en cercle sur le sable quand la lumière se met à baisser pour entonner du Bob Marley en s’accompagnant à la guitare, on sent simplement chez ces « tribus » le désir d’être libre, d’entrer en communion avec la nature et de profiter de l’instant présent. Je ne pensais pas qu’il était encore possible de faire du camping sauvage quelque part en Europe. C’est terriblement cool.

Mais il ne faudrait pas voir à trop s’endormir; la Crète recèle encore de bien d’autres merveilles que nous n’aurons pas toutes l’occasion de découvrir mais nous pouvons toujours en ajouter quelques unes à notre périple. Le Temple de Phaïstos est sur notre liste, à quelques dizaines de kilomètres de notre lieu de villégiature. Le lendemain nous voilà donc repartis en montagne, empruntant cette fois une « vraie » route. Lorsque nous basculons sur l’autre versant, la vue sur la Plaine de la Messara est à couper le souffle ! Encore plus majestueuse que deux jours auparavant. Traversée de petits villages blancs où quelques patriarches usent leur cul sur des bancs qui les ont sans doute vus naître; oliveraies et terrains agricoles; nous évitons de centre de Mirès, ses potentiels bouchons, et arrivons bien vite au site archéologique. De grands parkings sont prévus notamment pour les autocars, ce qui prouve, s’il en était encore besoin, que le lieu est très prisé des touristes… mais ces emplacements sont en partie vide et le site quasiment désert – ce qui n’est pas pour me déplaire.

De l’ancien palais minoen bâtit vers 1700 av. J.-C. il ne reste aujourd’hui qu’un champs de ruines, un champs de cailloux diraient certains. Mis à part un grand escalier, il n’y a plus grand chose debout, ici une base de colonne, là trois murets rappellent que des gens ont commercés, dormis, vécus. Mais il faut tout de même une bonne dose d’imagination. Peut importe ! J’adore ce genre de sites, j’ai toujours aimé ça, et le paysage qui l’entoure est magnifique. Nous déambulons au milieu des pierres blanches patinées par le temps et chauffées par le soleil, cherchant un peu d’ombre pour lire quelques lignes dans notre guide. Les vacanciers ne sont pas les seuls à apprécier le lieu, les cigales aussi comme le prouve les dizaines de mues accrochées aux arbres.

En sortant, nous nous arrêtons quelques minutes à la cafétéria pour nous rafraîchir. Sortant machinalement mon téléphone, j’y découvre avec effroi le décès de Gérard, ancien chef de village du Club Méditerranée, avec lequel j’avais travaillé en Suisse durant l’été 1993. La beauté des lieux qui m’entourent n’altère pas ma tristesse. L’immédiateté de l’information, l’annonce en elle-même, ici sous les oliviers, par cette chaleur… tout cela semble irréel. Quand à la portée philosophique d’être confronté à la mort dans ce lieu millénaire où d’autres avant nous sont nés avant de disparaître y laissant pour nous des traces pérennes de leur passage sur terre, je vous laisse vous débrouiller avec… Pour nous la vie continue, profitons-en !

Non loin de là, Matala, une station balnéaire assez réputée de la côte sud : parfait pour le déjeuner. Comme à Lentas, la circulation est interdite; de grands parkings payant sont aménagés aux abords; nous trouvons une place gratuite mais néanmoins autorisée sur un chemin poussiéreux tout proche du centre. Pas de doute la Crète a du être il y a 40 ans un haut lieu du tourisme beatnik ! Matala en porte les stigmates. Le sol, orné de fresques colorées aux effigies de Ganesh, Bob Marley, et autres divinités du panthéon hippie, agrémenté de fleurs, de cœurs, de bouches, délivrent des messages de paix et d’amour; dans la rue principale les boutiques de souvenirs s’enchaînent, degueulantes de bijoux, tee-shirts, sarouals, sacs, porte-clefs, briquets aux couleurs du Flower Power, auxquels s’ajoutent les habituelles lunettes de soleil, crèmes solaires, tongs et autres incontournables du balnéaire de masse. Pas vraiment la même ambiance que dans notre petit bled. Nous poussons jusqu’à la plage, sans être immense elle est cependant plus praticable que celle de Lentas, et le cadre est bien séduisant. Sur la droite, des roches blanches, creusées de cavernes – probablement d’anciens habitats troglodytes – et sur la gauche une façon de corniche sur laquelle s’est installée une ribambelle de restaurants. Parfait ! Nous déjeunerons là ! Pourvu qu’ils servent encore, vue l’heure avancée… Akuna Matata dit la pancarte (Akuna Matala eut été plus amusant). Un décor de paillote, plus inspiré par la jungle que par la Grèce… ça change. C’est vivant, sans être bruyant. En attendant nos souvlaki nous observons des grappes d’adolescents sauter des plongeoirs naturels que forment les concrétions blanches de l’autre côté de l’anse. Plus près de nous un vieil homme pêche à la ligne, sans grand résultat. Nous profitons.

Le soir, de retour à Lentas, nous dînons dans une petite taverne absolument extraordinaire dont les différentes salles s’étagent en descendant vers la mer, comme de petites parcelles de terrasses agricoles. Nous y croisons Maria, notre hôtesse de la résidence Athina, et discutons un brin avec nos voisins de tables, un couple d’allemands (ou était-ce des autrichiens ?) qui vient là depuis les années soixante. L’ambiance feutrée, la nourriture délicieuse et l’accueil chaleureux des trois frères qui tiennent le lieu nous pousseront à y revenir le lendemain.

Carnet d’adresses

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