7 juillet 2015
Hippy market / Eivissa

Hippy Market

Le mercredi, il y a le marché hippie à Es Cana. C’est un incontournable. Toute l’île y vient. Nous ne pouvions le rater. Nous y sommes tous allés, même si c’est un marché pour les filles d’après Danielle.

Le marché est immense. Il est situé au milieu d’un village de vacances. Tout s’y vend mais surtout des bijoux fantaisie, des accessoires et des vêtements. Certains objets sont fabriqués localement, beaucoup viennent d’ailleurs.

Il y a beaucoup de monde. Et il y a des hippies. Ils sont arrivés dans les années 70 et on fait la réputation de l’île. Ils ont les cheveux longs avec un foulard, le bracelet à la cheville, une chemise et un pantalon de coton ample. Tous sont nus sous leur vêtement et cela se voit. Ils s’embrassent pour un rien. C’est la communauté. Pour fonder la nôtre, on s’offre des petits bracelets de ficelle avec des perles. Ce sera notre lien. C’est le bijou des vacances.

Nous découvrons au détour d’une allée un stand qui nous attire immédiatement. Il y a beaucoup de couleurs vives. Des sacs, des pochettes, des portes monnaie de couleur nous interpellent. Ils sont faits dans une toile enduite souple avec des inscriptions. La vendeuse nous aborde et nous explique. La matière première, ce sont des sacs pour emballer du riz ou des aliments pour les animaux, utilisés en Thaïlande. Dans un village, des femmes récupèrent ces sacs et fabriquent cette maroquinerie. C’est une production équitable qui fait vivre le village. Nous venons de faire un voyage. On se laisse séduire et voilà trois d’entre nous équipés. Un des rares stands authentiquement hippies du marché.

Nous sortons fatigués du marché, trop de monde. La faim nous tenaille et la soif. Nous nous arrêtons au bar du coin de la rue. La mondialisation a fait la carte. Un burger, une salade César, des saucisses, des œufs au plat, des pizzas, des frites mais les Espagnols ont un certain talent pour préparer tout cela. Nous mangeons avec plaisir accompagné d’une pinte de bière voire de deux.

Aujourd’hui c’est la paresse et nous irons à pied à la plage d’Es Cana. C’est une grande plage de sable, jolie mais sans charme. Au bord de la route qui la rejoint, il y a un camping. C’est le lieu des hippies. Chaque emplacement est un campement où un désordre pittoresque règne. Il y a des tapis, des hamacs, des cousins, des toiles tendues pour se protéger du soleil. C’est à mi chemin entre une tente berbère, une caravane de gitan, un oasis dans un désert d’Arabie. C’est spartiate et confortable. C’est coloré et poussiéreux. C’est peace and love.

Aujourd’hui c’est la canicule. L’air est chaud, le soleil est chaud. La mer est chaude, très chaude. On a l’impression de rentrer dans un bain. La température de l’eau semble plus élevée que celle de l’air. L’eau devient trouble. Ça n’est presque plus agréable. Les algues cuisent sur le sable, l’air est sec. Les odeurs sont fortes, une odeur de marée, de vase. Nous aurons du mal à trouver le repos, allant de l’eau à la serviette et de la serviette à l’eau. Finalement l’après midi passera en douceur, en chaleur, en baignade.

C’est ce soir là, avide de fraîcheur, que nous décidons d’aller enfin à Eivissa et de visiter la vieille ville.

Eivissa

C’est par une petite route que nous avons rejoint Ibiza. Il y a d’abord eu la direction de « Sieste », j’ai failli tourner. Puis nous avons traversé « Jesus », il n’était pas là, pour enfin arriver dans les faubourgs d’Ibiza. Nous atteignons le port.

De grands yachts luxueux sont rangés le long du quai.  Les bars et les terrasses sont chics. Il y a des boutiques au nom des Night club. Nous marchons au hasard. Nous pénétrons dans la ville. Elle est belle. Elle est catalane. Il y a beaucoup de jolies boutiques. On fait les vitrines. Sylviane trouve enfin les espadrilles à talons compensés qu’elle cherche depuis des mois.

Nous pénétrons dans cette petite boutique. On descend trois marches. C’est minuscule. Les boîtes à chaussure en carton brut sont rangées sur des rayonnages le long des murs. Le plancher est usé comme le comptoir. Une télévision au fond diffuse un programme de variété.

Ils sont là souriants et nous accueillent. Ils doivent être là depuis soixante ans. Elle est petite et voûtée. Les doigts de ses mains sont tordus par les rhumatismes. Il est grand et bien droit encore. Il est campé derrière le comptoir près de la caisse. Ils font partis de leur boutique et leurs rides racontent l’histoire du magasin.

C’est elle qui s’avance. Elle marche pliée en deux. Sylviane lui montre en vitrine le modèle qui la tente. La pointure précisée, la séniorita  attrape une échelle. Yann lui propose de l’aide. Elle le repousse d’un geste autoritaire. Elle grimpe avec une étonnante agilité pour attraper en haut la paire demandée. Elle redescend et va s’asseoir sur une chaise. Elle invite sa cliente à la rejoindre. Elle est vraiment toute petite et toute bossue. Elle prépare avec des gestes que j’imagine douloureux, les rubans de l’espadrille. La première paire est trop grande. Elle dit trois mots en catalan et le voilà, lui, en haut de l’échelle. Celle-ci sera la bonne.

Je reste là à observer ce lieu et ce couple. Ils sont là depuis longtemps, ils sont là depuis toujours, bien avant David et Cathy, bien avant les hippies, bien avant notre première visite. J’aimerais rester là et les écouter  nous raconter l’Ibiza d’autrefois et l’Ibiza d’aujourd’hui. Ils ont traversé les époques. Ils seront là jusqu’au bout, leur vie est là. Ils sont beaux tous les deux dans leur petite boutique d’espadrille dans la luxuriante Ibiza. Ils sont une présence authentique et vivante qui ôte toute superficialité à ce monde de paillettes nocturne.

Nous continuons naturellement vers la vieille ville. Elle domine tout. Nous montons un escalier. Nous y pénétrons par une porte du rempart fortifié. Les façades sont blanches.  Des rideaux extérieurs abritent les fenêtres du soleil. Cela rappelle certains villages grecs. Les rues sont pavées de grandes lauzes. Elles montent doucement vers le haut de la ville. La nuit est tombée. Un éclairage jaune nous fait découvrir, des portes, des ruelles, des escaliers. C’est très propre. Par des portes ouvertes, nous apercevons des moments d’intimité. Un couple rentre chez lui. Un chat couché à même la rue, nous observe mais ne s’enfuit pas. Il est chez lui. De rue en ruelle, d’escalier en détour nous montons lentement. Nous atteignons enfin la place de la cathédrale et le point de vue s’offre à nous. La baie est face à nous, le port scintille. Toute la ville est à nos pieds. C’est très beau.  Nous avons trouvé la fraîcheur.

La cathédrale est fermée, nous ne pourrons la visiter. La descente se fait par l’autre côté à travers les remparts. Nous cheminons par des couloirs au sein des murs épais. Nos pas raisonnent, un éclairage cru au néon donne à ses passages une ambiance. Notre équipe se transforme aussitôt, nous sommes agents secrets, des voleurs en fuite, le club des cinq. Notre reporter couvre l’événement. Nous rions. Nous sommes légers. C’est l’été, la soirée est douce.

Revenus dans la rue commerçante, nous allons nous offrir une glace que nous dégusterons sur les marches d’un escalier et c’est là que nous ferons la rencontre la plus effrayante d’Ibiza. C’est moi qui le vois en premier sur le mur blanc. Il fait bien cinq centimètres de long sans les antennes. Il est blond caramel. Il est vif. Il court sur les marches. Nous faisons un bond en arrière. Chacun retient sa respiration. Il s’arrête un temps et nous observe. Nous n’en n’avons jamais vu de si gros. Puis il s’engouffre dans la bouche d’égout proche. Le cafard a disparu nous laissant livides et médusés.

Nous sommes rentrés par une nuit fraîche et noire. Nous avons eu presque froid. Au détour d’un virage, une chouette Effraie nous attendait. La dame blanche prit son envol à notre passage emportant vers son clocher nos frayeurs enfantines. Et à partir de ce jour, chaque soir à notre passage, l’oiseau au visage en cœur nous a fait signe d’un battement d’aile, vérifiant à chaque fois que nous étions sereins et heureux de notre journée.


Texte Pierre Coumes


Diner à Eivissa

Bien sur je devrais vous présenter un restaurant typique, où vous pourriez déguster des tapas et une assiette de jambon Iberico, mais c’est dans un restaurant italien que nous nous sommes installés dans la vieille ville d’Eivissa… Dans la ruelle principale, qui mène à la cathédrale, les bars, les restaurants, les glaciers se suivent et vous aurez le choix de vos restaurer ailleurs qu’à La Dispensa mais sachez qu’on y dine très bien, dans un joli cadre, même s’il vous faudra débourser un peu plus qu’ailleurs (ce repas est très certainement celui qui nous aura coûté le plus cher de la semaine), mais après toute la nourriture grasse avalée dans les gargotes d’Es Canar cela faisait du bien de se retrouver dans un restaurant digne de ce nom.


 

Carnet d’adresses

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