5 juillet 2015
Petit déjeuner / Es Figueral

Petit déjeuner

Le jour nous a réveillé un par un. Sur la terrasse c’est le premier café. Les visages sont doux comme les paroles. La vue sur la mer nous charme, le bruit des vagues nous berce, le parfum des lauriers roses ravit nos narines et la chaleur qui monte doucement câline notre épiderme. On se réveille doucement.

Ce rituel va se répéter tous les matins : préparer le café à tour de rôle, installer les tasses et les verres pour le jus d’orange, disposer les madeleines dans une assiette, griller le pain, ne pas oublier le sucre et le beurre. Et chaque jour, nous allons attendre que tous soient levés pour prendre ce petit déjeuner ensemble. C’est le seul repas que nous prendrons à l’appartement.

C’est un moment de partage intime. Chacun est encore dans ses rêves. Le temps nous prend, doucement. On parle, on rit, on se raconte, on partage des idées. Rien n’est important, tout est essentiel. Tout est pudique, rien n’est caché. Le temps s’étire en lecture, en tricot, tendrement. La fumée des cigarettes enrobe nos paroles avec gentillesse. Le temps nous révèle à ce sentiment. L’amitié est là, apaisante et sereine.

Puis les journées s’organisent simplement, enfourcher les scooters, manger, boire une bière, aller à la plage. Ce programme va se répéter au fil des jours, telle une chanson, comptine de joie et de rire.

« J’ai les clés du paradis ».

Es Figueral

C’est au bout d’une route. Après il y a la plage avec ses matelas et ses parasols verts. Sur la droite le bar d’un hôtel offre une terrasse avec vue. Nous avons marché dans le sable. Il est doux. Il y a du monde mais sans trop.

Nous avons choisi une place au hasard.  Chacun a sorti sa serviette, sa crème solaire, son livre. Il faut retrouver les gestes de la mer que l’on a oublié après un an. Mais cela revient vite.

Nous avons mis les pieds dans l’eau. Elle est claire, elle est chaude, elle est bleue. On s’est laissé glisser jusqu’au cou. C’est comme une renaissance. On fait la planche, l’eau dans les oreilles. On écoute le silence de la mer comme un ronronnement. On se sourit. On se prend la main. Certains nagent plus loin. D’autres ont mis un masque pour regarder les poissons.

Vincent s’est éloigné vers des rochers. Soudain il crie. Je rassure mes camarades : « il fait le clown comme d’habitude ». Il revient à la nage, son visage grimace. « Je me suis fait piquer par une méduse. » Un cercle rouge lui marque l’épaule. Il a mal. La mer vient de nous rappeler que nous ne sommes que des invités. Je l’accompagne au poste de secours et le maître nageur le soulage d’un jet de vinaigre.

Nous décidons de changer de place et nous allons plus loin vers le bout de la crique. Il y a moins de monde. Certains sont nus. C’est au choix, c’est la liberté du maillot ou pas. Nous rencontrons nos premiers hippies. L’homme a le cheveu long, la barbe hirsute, le tatouage présent. La femme a des fleurs dans les cheveux, un bracelet à la cheville, un enfant nu dans les bras. On dirait qu’ils sont là depuis quarante ans, imperturbables dans leur histoire. Le temps s’est arrêté.

Pour nous aussi le temps se fige. Couchés sur le sable, le soleil sur la peau, la tête dans nos rêves, le soleil suit sa course sans que rien ne perturbe la quiétude de cette après-midi. Plus rien n’est dit. Chacun savoure.

Nous sommes ensemble dans l’instant.


Texte Pierre Coumes

Carnet d’adresses

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