4 juillet 2015
Parce que / « Pas sage » / Pas cool / Bienvenue

A eux,
A lui,
A nous.

Parce que

L’idée est venue au cours d’une soirée : « Et si on allait à Ibiza pour les vacances ? ».

Danielle et Fred y avaient acheté un appartement un an auparavant et leur récit amoureux de cette île avait suscité l’envie d’y aller.

Evidement quand on dit Ibiza, on entend les rythmes électroniques, on plisse les yeux devant les lumières stroboscopiques, on voit les corps bronzés et tatoués qui se déhanchent en rythme, on imagine des piscines, de l’alcool, des charters, des jeunes, la fête. David et Cathy sont là, souriants.

Et dès que vous dites, « je vais à Ibiza », votre interlocuteur vous renvoie tout cela et vous imagine dans cette fièvre, surpris. Ce n’est pas là que l’on vous a imaginé pendant les vacances.

Ibiza, ce n’est pas que cela. C’est autre chose que nous ne savions pas encore.

Nous voulions du soleil sur la peau, de la mer bleue qui rafraîchit, des lieux sauvages où se retrouver, des moments à partager. Nous voulions nous retrouver ou simplement nous trouver tous les cinq. Parce que nous l’avions perdu et que perdus, c’est ensemble que l’on voulait se réconforter. Un moment exclusif et partagé.

Parce que.

« Pas Sage »

Nous nous sommes retrouvés à midi au Passage du Grand Cerf. C’était le début des vacances à la terrasse d’un bistro. Il y avait à la carte un burger au boudin noir et un hot dog à la saucisse d’Auvergne. Alléché j’avais proposé le « Pas Sage » comme lieu de rendez-vous.

Il faisait très chaud, un temps lourd, humide et poisseux. Le ciel avait viré au gris. Des gouttes se sont mises à tomber mais nous n’avons pas bougé. Nous sommes restés là, goûtant la maigre fraîcheur apportée par cette eau du ciel. Nous avons décidé de ne pas nous mettre à l’abri et de déjeuner là sous la pluie. Les gens passaient surpris. Nous étions déjà ailleurs, entre nous.

Nous étions posés autour de la table. Je me suis dit que c’était une belle image. On était posé. On allait se reposer. Partager le moment, prendre le temps, laisser couler l’instant, suspendre les secondes.

On s’est dit des mots pour parler. Les voix étaient douces et calmes. Chacun était à la bonne tonalité qui fait que le chant est clair. Les voix ne forçaient pas. Les conversations venaient dans la respiration du corps et leur musique était apaisante. Le sens ne m’atteignait pas.

Qu’importe, nous étions déjà bien.

Pas cool

Nous avons pris le métro pour rejoindre l’aéroport. C’était le premier jour des vacances et bizarrement les trains étaient vides. La même ambiance douce et sans stress nous enveloppait comme une bulle. Juste quelques rires rappelaient à nos voisins que nous étions bien présents.

L’arrivée à l’aéroport a perturbé cet équilibre. Nous avons découvert une file d’attente de presque cent mètres. Elle conduisait à l’enregistrement de six vols en partance pour l’Espagne. Tous ces vols partaient du même hall, le nôtre aussi. Une organisation bien curieuse.

Nous avons pris notre place dans la queue et à partir de là, tout a été long : deux heures pour atteindre le comptoir d’enregistrement dans une pagaille organisée. Un stress ambiant nous a agressé.

Des gens courraient. Des parents paniqués cherchaient leurs enfants : « Raphaël ! ». Une mère grondait sa fille : « Tu es très mal élevée ». « La faute à qui j’avais envie de lui crier, bonjour la culpabilité, connasse ». Des hôtesses essayaient de discipliner la file d’attente : « Les gens pour Porto, ici ; les passagers pour Valencia, là ; ceux pour Ibiza, passez devant ». Tout cela dans un même espace, le chaos. Un vol a été annulé. Le ton est monté, la colère a fusé. L’angoisse nous a pris mais nous avons résisté : bagages enregistrés.

Nous nous sommes retrouvés dans la salle d’embarquement pour une heure d’attente, vol retardé. La tension est un peu retombée. La chaleur était pesante, l’air lourd, la lumière blanche. Nous avons bu, beaucoup, pour rafraîchir cette moiteur. L’embarquement a commencé, long, pénible. Personne ne respectait les consignes. Il a fallu piétiner mais pas à pas nous avons rejoint les rangs 29 et 30 au fond.

L’avion a enfin décollé. Nous nous sommes envolés pour Ibiza. Epuisés, un somme nous a pris tous les cinq. Chacun a rêvé aux jours suivants.

Et là, tout est calme, repos et enchanté.

Bienvenue

« Bienvenue à Peter, Vince et leurs friends » disait la pancarte. Ils sont derrière, souriants et bronzés. Ils sont dans le lieu et dans l’ambiance. L’accueil est adorable et nous touche. Nous sommes désorientés.

Nous voilà tous les sept dans la voiture. Danielle est avide de nous donner un maximum d’informations, de recommandations, de conseils. Nous ressentons son amour pour cette île, son plaisir à nous le faire partager et sa peur que nous soyons déçus. La route défile poussiéreuse. Les maisons sont blanches. D’immenses panneaux publicitaires jalonnent le parcours. Nous découvrons le nom des boîtes de nuit : Le Pacha, l’Ushuaia. C’est l’Espagne pas de doute. Eivissa la blanche nous accueille à sa manière avec force et douceur, tout en contraste.

Du rosé, de la bière, du poulpe, de l’aïoli, de la tortilla, Danielle et Fred savent accueillir leurs locataires. Les verres tintent, c’est le son de l’amitié. Le soleil est couchant, le sourire est aux lèvres, les verres sont givrés, une brise caresse la peau, la mer chante au loin. Nous sommes apaisés.

Nos propriétaires nous laissent à notre séjour. Nous investissons l’appartement, chacun choisit sa chambre, les valises se vident, chacun fait son lit.

La nuit est tombée. Nous descendons dans le centre du village. Nous trouvons la plage. Le sable est frais aux pieds. Nous entrons dans l’eau. La mer nous reçoit avec tendresse. Elle est tiède et doucement salée.  Après quelques brasses, on se tourne vers le rivage. Les restaurants illuminent la côte. Leurs reflets brillent sur la surface ridée. Nous nous sentons lavés de la journée. Nous nous enfonçons dans la nuit. Nos cœurs se règlent aux battements de l’ile. Sous le ciel étoilé, nous y sommes.

Nous sommes en vacances à Ibiza.


Texte Pierre Coumes

Carnet d’adresses

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