Mon père était blagueur. Tout l’amusait : simple calembour capillotracté, blagues absurdes, canulars enfantins, comique de situation ou de répétition, réplique tonitruante qui pouvait faire exploser de rire une salle de restaurant ou mettre mal à l’aise les trois quarts de la clientèle d’une boutique de bricolage…Tant que ça n’était pas grossier ou ordurier tout était bon pour s’en tailler une tranche.
Cet été-là nous partions en Grèce, sur l’île d’Eubée (ah ! la Grèce… une histoire d’amour). Mon père et son pote Michel avait eu l’idée fantasque d’acheter à la boutique du PCF (située non loin du siège du Club Méditerranée où ma mère « vendait des vacances », rue du Quatre-Septembre) des calicots aux effigies des grandes figures du communisme pour en faire des serviettes de plage.
Le club Méditerranée n’était pas encore la chaîne de luxe qu’elle est devenue par la suite mais la clientèle commençait à s’embourgeoiser. Finis les paillotes sans électricité et les sanitaires en commun, Gilbert Trigano construisait en dur de beaux bungalows confortables et les GM n’étaient plus les pionniers « roots » et fêtards du début des années 60. Alors si on pouvait un peu semer – gentiment – la merde pour se marrer, on n’allait pas se priver !
Un jour que nos serviettes étaient étendues sur le sable grec, une femme BCBG (comme on disait à l’époque) vient à passer :
– Oh qu’il est beau ce barbu, qui est-ce ?
– C’est Karl Marx madame
– Quel horreur !
On en rit encore…