30 mars 2017
Sur les traces de Nessie

Texte d’Anne-Laure Bichet


C’est un beau jour qui s’annonce. Nous prenons notre petit déjeuner face au Loch Gairloch, enchantés par les ébats de 2 phoques qui prennent leur bain matinal juste sous nos fenêtres.

Nous profitons une dernière fois de ce fabuleux endroit qu’est le Shieldaig Lodge Hotel,  un pavillon de chasse traditionnel des Highlands, datant du XIXè siècle. Tout nous a plu ici : la bâtisse pleine de charme, son bar chaleureux et ses chambres confortables. Des hôtes accueillants, et bien sûr, le cadre féérique de ce beau manoir, niché dans la forêt,  et cachant derrière lui, comme une surprise, un tapis vert en pente douce se déroulant jusqu’à la mer.

Après  un dernier regard sur ce qui restera THE hôtel, nous prenons la route pour rejoindre un lieu de légende, le Loch Ness. Nous avons une centaine de kilomètres à parcourir.

De Loch Maree à Loch Luichart, le temps est un peu couvert et nous offre un paysage sous de nouvelles couleurs : les verts sont plus profonds, les feuillages des arbres tournent du rose au rouille, et les bleus s’amusent à prendre toutes les nuances de gris.

L’eau, que nous longeons, se transforme en miroir, multipliant ainsi chaque nuage, chaque colline, chaque îlot, chaque chêne ou buisson de houx en reflets d’une netteté parfaite…. Ce qui était déjà sublime sous le soleil, devient doublement majestueux.

Du coup, toute cette magnificence est terrible pour le conducteur, surtout s’il a à son bord 2 dingos accros de la photo…

C’est terrible parce qu’il ne peut profiter totalement de ce paysage et détourner ses yeux à tous les Ohhh !- AAhhh !- Waouhhh !- Ca déchire !- La vache ! (à considérer ici, à loisir, comme une exclamation ou comme la désignation de l’animal, aussi présent en bord de route que de raisons de s’émerveiller).

Mais, c’est aussi terrible car il sent qu’à chaque interjection, il y a potentiellement une photo à prendre… Il se fait alors gardien du temps, qui n’est pas élastique, tout en accordant, à ses passagers voraces, de multiples stops sur les « passing places » les plus propices.

J’ouvre ici une parenthèse pour m’adresser au Chef, Ministre, Attaché…, je sais pas, bref, le type en charge de la localisation des « Points of view » d’Ecosse : « Dis donc, mon gars, tu l’as visité ton pays avant d’envoyer la Brigade des Panneaux ou t’as fait ça, à ton bureau, avec une grande carte et t’as laissé ton gamin faire des croix aux hasard…? Parce que pour moi, la définition d’un point de vue est  » Lieu d’où l’on peut voir une grande étendue » ou bien un truc qui claque. Toi, apparemment, t’as pris l’autre, celle qui dit : « Plan, aspect sous lequel on se place pour examiner quelque chose », p’is t’as décidé que toi, tu voulais qu’on voit que tchi. Donc, t’as donné des consignes à ton équipe, genre « Bon, les mecs, pour les « passing places », on n’a pas eu notre mot à dire et de toute façon, ça ne doit pas servir à ca…, mais pour les « Points of view », on va se rattraper. Alors, vous me les mettez tous là où c’est beau, mais devant une barrière très dense d’arbres très hauts ou bien, là où y a rien. » Avec ça, t’as raison, c’est raccord, le rien qui est beau, ça peut être un point de vue. » Je me comprends. Je referme la parenthèse. 

Tout ça pour en arriver à la conclusion suivante, sur les routes à une voie des Highlands, le conducteur d’une voiture avec des passagers photographes est,  oh que oui, à récompenser de l’Ordre du Mérite.

Pour ma part, je n’ai pas conduit une seule fois (#jesuisuneprincesse). Jean-Claude et Wilfried sont mes chevaliers durant tout ce voyage, me permettant ainsi de contempler tout mon soûl la nature qui défile. Les arrêts sont nombreux et nous pouvons ainsi capturer #allscotlandbeauties.

Toutes, sauf une néanmoins : nous n’avons pas vu de loutres. Apparemment, elles peuvent surgir à tout moment, car le Loch est leur garde-manger ! Il est rempli de leur nourriture préférée : la truite brune, qui chaque été, comme le saumon, retourne dans le Loch depuis la mer. Il parait qu’au XIXè siècle, grâce à l’abondance de poissons, le Loch était très réputé pour la pêche à la ligne.

Je ne sais si la reine Victoria était amatrice de pêche, mais, après une de ses visites, les habitants du Loch Maree, en son hommage, baptisèrent « Victoria falls» une petite chute d’eau alimentant le Loch depuis la haute chaîne de montagnes du Beinn Eighe.

Nous nous y arrêtons et pendant que les garçons se dirigent vers la cascade, je me promène vers un chemin caillouteux. Depuis que nous avons démarré ce matin, je cherche une image. Un flash. Et je crois l’avoir trouvé ici. Un passage bordé de gigantesques sapins qui déclinent une palette du bleu-vert au vert de gris et forment comme un couloir étroit et sombre jusqu’au ciel bas et brumeux. 

Le flash prend corps et se précise. Retour en arrière dans l’univers fantasmagorique de David Lynch. J’ai sous les yeux un décor à la Twin Peaks, rude et sauvage, qui n’existait que dans mes souvenirs.

Je profite de ce moment bien réel, lui. La splendeur des gigantesques conifères, quelques  troncs coupés qui ajoutent une note chaude et dorée, et la fine bruine qui fait briller chaque élément du tableau.      

J’aspire le calme autour de moi puis je me retourne vers les sourires de mes amis et me réjouis de ce doux bonheur.

L’aventure continue.

Depuis que nous avons débarqué en Grande Bretagne et surtout, depuis que nous sommes arrivés en Ecosse, je n’ai pas pensé une seule fois à cet endroit. L’itinéraire que j’avais dans la tête m’emmenait à Mull, Skye, Torridon, Loch Maree, … mais j’avais complètement oublié le Loch Ness.

C’est ce matin, lorsque Jean-Claude et Wilfried m’ont précisé le programme de la journée, que je me suis rappelé cette visite a priori incontournable.

Loch Luichart s’éloigne. Il nous faut environ une heure encore avant d’arriver à destination. Plus nous avançons, plus le temps s’éclaircit et c’est sous un beau soleil qu’apparaît le Loch.

Nous avons déjà été tellement éblouis par la beauté du Lake District, puis par celle des différents Loch qui ont jalonné notre périple que j’avoue ne pas être plus épatée que cela.

Pour autant, rendons aux Pictes ce qui appartient aux Pictes : nous sommes face au deuxième plus grand lac d’Ecosse (le premier est le Loch Lomond), avec 56 km2, et le plus profond.

Nous nous garons à proximité de l’entrée du site d’Urquhart Castel que nous avons prévu de visiter. Juste avant, il nous est proposé de regarder un petit film de 8 mn (parfait !) qui retrace l’histoire du château.

Nous y apprenons qu’il a été construit en 1230 sur une colline de la rive nord du Loch et baptisé par St Columba, lors de l’un de ses pèlerinages. Plus tard, la région subit des conflits importants. Après plusieurs révoltes contre la monarchie, le château tombe entre les mains des Anglais.

En 1306, la Couronne écossaise reprend possession du château grâce au Roi  Robert Bruce. Puis Urquhart retombe plusieurs fois entre les mains du clan MacDonald.

Enfin, en 1692, le château est détruit en grande partie par la dernière garnison présente sur place, pour éviter qu’il ne devienne une place forte des Jacobites.

Bref, le château a été mis de nombreuses fois à feu et à sang et il n’en reste que des ruines que nous allons découvrir de ce pas.

Après avoir traversé une grande pelouse où se baladent des canards qui posent gentiment pour la photo, nous franchissons le pont qui nous sépare des vestiges de la forteresse et flânons, d’escalier en escalier, de vieilles pierres en vieilles pierres, jusqu’à la Grande Tour dans laquelle nous montons.

Elle nous offre une belle perspective sur le Loch Ness et sur les montagnes qui s’étendent à perte de vue.

Il manque pas un truc, là ?

Si. Il manque un truc !

Y a pas un monstre? Y pas de « cheval marin »? Pas la queue d’un animal… Pas de « Créaaatuuuure » ???

Je m’explique. Bien sûr, je ne m’attendais pas à ce que la légende prenne forme. Ce matin, au Loch Maree, nous ne savions même pas qu’il abritait aussi son monstre, le Muc-sheilche, et que son eau est sensée avoir des effets curatifs, comme guérir de la folie quelqu’un qui y plongerait.

Mais je m’attendais à un soupçon de marketing. Keek ! A Copenhague, ils se sont quand même fendus d’une statue en bronze sur un rocher dans le port.

« Urquhart Bay est l’un des lieux d’apparition favoris de Nessie » qu’ils disent.

Ca leur coûtait quoi, alors, de récupérer les restes du modèle en métal du monstre que Billy Wider, le réalisateur de « La Vie privée de Sherlock Holmes » avait fait spécialement construire pour son film en 1970. Il a coulé à pic après que le réalisateur ait décidé de lui enlever ses bosses.

Plutôt que de le laisser au fond de l’eau, ils te le bricolaient un peu et c’était marre. Ca faisait la blague et en plus, ça récompensait un peu le travail des plongeurs qui sont quand même allés, quelques années plus tard, à 230m de profondeur pour remonter l’engin !

Une fois qu’on a dit ça.

Ne voulant pas déjeuner à la cafétéria du château, nous sommes remontés en voiture avec l’idée de déjeuner à  Drumnadrochit, le petit village à côté du château.

Il était tard, mais après quelques déboires, nous avons trouvé un établissement ouvert, le Ness Deli. Ca a été, pour Jean-Claude et moi, notre petit plaisir de milieu d’après-midi !  Après une overdose de petit pois et frites comme seuls légumes, voire parfois d’infâmes brocolis ou carottes-vapeur avec un goût d’eau de vieille cuisson (désolée, je ne sais pas dire mieux), nous qui adorons les légumes et toutes les variétés que notre terre peut porter, nous y avons dégusté une vraie salade.

Au moment de la commande, c’est vrai, nous avons eu peur de ce qui pouvait se cacher derrière l’appellation « Salade Caesar » : du poulet frit sur 3 feuilles  en sachet ne nous auraient pas étonné… Mais nous avons vu arriver (comme quoi c’est possible !) un gros bol de salade verte craquante, avec de belles tranches de tomate mure, un demi oeuf dur et dans leur plus simple appareil, des filets de poulet moelleux.

Quel vent de fraicheur a soufflé sur nous pendant que Wilou croquait avec délice dans son hamburger !

Après un café et une connexion wifi, nous sommes repartis. Vers Inverness.

Je n’ai pas vraiment envie d’écrire sur Inverness. Parce que je ne veux rien dire de méchant sur l’Ecosse. Parce que j’ai adoré l’Ecosse. Chaque minute, chaque couleur, chaque rayon de soleil, les très rares gouttes de pluie, chaque loch, chaque montagne et brin de bruyère.

Kilomètre après kilomètre, nous sommes allés de merveilles en enchantements.

Puis, il y a eu Inverness.

Nous venions du Loch Ness, nous en étions à J8 de notre roadtrip, le commencement du bout de la fin et, après nous être régalés de nature, nous avons pensé qu’un petit arrêt en ville, pour l’incontournable étape du séjour #ramenerune bricolesiontrouve,  serait une bonne idée.

Nous avions une grosse heure devant nous avant de devoir rejoindre le Cairngorm Hotel, à Aviemore. A une cinquantaine de kilomètres, Inverness semblait un arrêt approprié.

La ville tire son nom de sa position géographique :  Inbhir Nis, signifiant en gaélique, embouchure de la Ness. Les guides disent : « Inverness possède tous les ingrédients qui feront de votre escapade urbaine un moment inoubliable. Explorez ses marchés victoriens ou le centre commercial d’Eastgate pour une séance shopping. Promenez- vous dans le joli centre-ville ! Admirez le château et la cathédrale St Andrews… »

C’est pour cela que je suis fâchée. Les guides ne peuvent pas mentir : je me demande si nous n’avons pas tout loupé. C’est possible…, il y avait déjà eu Glasgow…

Voilà comment cela s’est passé. Après nous être garés dans un parking moche (je vous le concède, un parking est un parking), nous avons cherché le « joli centre-ville » et nous nous sommes dirigés vers les silhouettes imposantes du château, siège du Shérif de la Cité, et de la cathédrale.

Les garçons étaient à la recherche de l’étoffe de laine à carreaux, typique des peuples celtes, le Tartan : plaid, casquette, étole… Pas d’idées très arrêtées, mais l’envie de faire plaisir et de se faire plaisir avec de beaux tissus de qualité.

Un paris leur avait même été lancé par une collègue de Jean-Claude : se faire prendre en photo en kilt.

J’avais l’appareil photo et bien sûr, je me tenais prête pour ce moment très « After Fashion Week ».

Malheureusement, les magasins se sont succédés sans coup de cœur. Ca n’était qu’une suite de boutiques pour « touristes » (ce que nous étions, nous sommes d’accord), proposant l’une après l’autre exactement les mêmes produits (que nous ne voulions pas, nous sommes d’accord) : magnets de Nessie, mugs « I love Scotland », porte-clés « Cornemuse »… et même si certaines avaient de nombreux articles en Tartan, la gamme de couleurs proposée n’était pas très alléchante. Le Tartan moderne existe pourtant (Jean-Claude et Wilfried ont trouvé leur bonheur plus tard)…, mais pas à Inverness, collection Printemps-Eté 2017 !

Nous avons donc très rapidement quitté la rue commerçante, non sans avoir tenu le pari #tousenkilt (à moitié…), espérant découvrir, avant de reprendre la route,  le « moment inoubliable (sic) de notre escapade urbaine ».

C’est en longeant les bords du fleuve Ness que la Old High St Stephen’s Church nous est apparue, au bout d’un pont blanc suspendu.

(Souffle court, vous aussi vous êtes suspendu, si ce n’est à mes lèvres, du moins aux lettres qui une à une s’aligne et constitue les mots de ce fabuleux récit… Aussi je reprends, ne souhaitant pas arrêter ce qui, a priori, semble annoncer « le moment inoubliable »)

Pffffffffffffffffffffffffffffffffff… (bruit du ballon qui se dégonfle) 

J’adorerais vous dire que nous avons été bluffés, que les bras nous en sont tombés…, mais non, tout est resté en place… Wilfried, dont les bras non plus n’ont pas chu, a pris en photo le plus vieil édifice de la ville et ses clochers du XVIe siècle. Puis, nous lui avons tourné le dos, les épaules basses et l’oeil humide (ben si, quand même), très pressés de remonter en voiture pour regagner nos paysages surprenants et fabuleux.

Sur le chemin nous ramenant au parking, nous nous sommes laissés attirer par  les belles arcades rouges du Victorian Market, un passage couvert, fondé en 1870. Nous espérions encore.  Mais il était plus de 17h et les magasins, a priori, pas plus attirants que ceux du centre-ville, étaient déjà fermés.

C’est donc sans regret que nous t’avons quitté, Inverness. Bye bye, toi qui t’es autoproclamée capitale des Highlands. Tu n’es pas, à nos yeux, la plus belle des Hautes Terres.

Et tu es bien seule, parmi les joyaux qui ont enraciné dans notre cœur leurs mystères et leur magie.


Dormir dans les Cairngorms

À Inverness – capitale des Highlands – nous avons préféré Aviemore, directement dans les Cairngorms. Grand bien nous en à pris (cf le texte ci-contre concernant Inverness)… L’hôtel choisi est un peu vieillot mais assez confortable tout de même, et pas besoin d’aller chercher bien loin pour se restaurer ou pour boire une bière : un pub (avec presque tous les soirs des musiciens) et deux restaurants occupent le rez-de-chaussée du bâtiment… A ne pas manquer : la moquette tartan, d’un kitch achevé !


 

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