11 mai 2015
Capri

Je voulais vraiment en avoir le cœur net ! C’est vrai, on entend ça partout, dans les dîners, chez le coiffeur ou en faisant la queue chez le boucher : Capri, c’est fini ! Moi je veux bien… pourquoi pas ?! Capri, c’est peut-être fini mais je ne veux pas colporter des idées qui seraient fausses ! Alors je vais aller vérifier par moi-même ! Je veux le voir de mes yeux ! Et puisque je séjourne à Nerano qui n’est qu’à quelques miles marins de ladite île, je serai le St Thomas de Capri ! 

Fini ou pas il y a encore, c’est certain, des bateaux qui y conduisent. Disons plutôt, en ce qui nous concerne, une grosse barcasse… (motorisée tout de même on n’est pas dans Koh Lanta !) Chaque jour depuis Nerano ce type d’embarcations propose ses services et vous mène pour quelques dizaines d’euros à la Grotta Azzura, puis vous accostez à Marina Picola, sur la côte sud de l’île. C’est charmant. Un peu suranné, ou plutôt hors du temps, comme Nerano. Un rien années 30 qui m’évoque la Plage du Vieux-Port à Biarritz. Rien d’ostentatoire. Quelques restaurants, une minuscule plage, des barques… et peut-être les fantômes des sirènes qui errent encore autour du rocher qui leur est dédié (Scoglio delle Sirene). Celui de Krupp leur tient-il compagnie ? Friedrich Alfred Krupp ! L’industriel et homme politique allemand, tombé sous le charme de Capri y passa ses trois derniers hivers. Dans la roche il fit tailler une route menant à la « capitale » de l’île , à Marina Picola aménager une grotte : lupanar bucolique pour orgie avec jeunes amants ou simple lieu de recueillement face à la nature qu’il se plaisait à étudier en compagnie de naturalistes de renom ? Qui peut le dire? La rumeur l’aura éclaboussé tout autant que l’azur… Aujourd’hui je marche dans ses pas jusqu’au cœur de Capri. 

Piazza Umberto I : étriquée et léchée comme un décor de théâtre. Noire de monde. Difficile de circuler et d’apprécier quoi que ce soit. Je me réfugie dans l’église Santo Stefano. Là encore tout est lisse et bien agencé… Serait-ce pour cela que tout le monde répète à qui veut l’entendre : « Capri ? C’est fini ! » ? Non, tout de même ! On peut lui reprocher un certain manque d’aspérités, et l’invasion permanente des touristes… Mais de là à dire que c’est fini !… 

À propos de touristes, comme toujours dans ces lieux valant « le voyage » (comme les décrivent les guides) ces derniers se massent aux endroits stratégiques par centaine, puis soudain, au détour d’une ruelle, vous êtes seul face au bleu profond de la mer, au milieu des maisons blanches et des pins. Dans ces instants-là on comprend aisément le succès qu’a pu avoir cette île depuis l’antiquité. Le calme, sans le luxe (du moins à l’origine), et la volupté d’être là. Nous allons où nos pas nous mènent. Ils feront l’impasse sur la villa Jovis (ruines de la résidence de l’empereur Tibère – encore un fantôme ?). Des ruelles étroites (plus encore qu’à Mykonos), immaculées, une minuscule chapelle, des sentiers entre les arbres, puis des lacets en surplomb de la mer… 

Bientôt au bout d’une corniche j’aperçois, en contrebas, l’incroyable Villa Malaparte : gigantesque bateau stylisé, saumoné, coiffé d’un escalier monumental, amarré entre les roches couvertes de pins du Capo Massullo. Un mirage – est-il dû à la chaleur ? – : les silhouettes de Bardot et Piccoli descendent encore les marches imaginées par Adalberto Libera il y a plus de soixante-dix ans… Et pourquoi pas Mao en train de bronzer en string  fuchsia pendant qu’on y est ? Il a bien dû y venir lorsque Curzio Malaparte lui a offert sa bicoque… Un jus de citron frais dissipera ces visions. 

Nous rejoignons la civilisation où les boutiques de souvenirs côtoient celles d’artisanat ou de fringues aux marques tapageuses. Plus loin un hôtel au luxe certain où les chambres ont forcément toutes « vue sur mer ». 

Encore et toujours les pins. Toujours plus hauts. De l’ombre pour les promeneurs et les villas isolées. Les cigales et leur chant de parade jusqu’à Marina Picola. Une salade (caprese !) et l’eau du golfe de Salerne sur la peau. Enfin la barcasse à moteur et les gigantesques stacks Faraglioni au travers desquels nous voguons. Aussi majestueux que l’aiguille d’Étretat, aussi impressionnants que les roches karstiques thaïlandaises. 

C’est ça que vous appelez fini ?! Non mais franchement… ça doit être de la jalousie ou du snobisme qui vous pousse à dénigrer sans cesse cette île… La journée, elle est finie, certes, mais Capri, point ! Aujourd’hui on lui reproche d’être moins belle qu’Ischia, sa voisine ; on lui reproche plus probablement son éternel afflux de visiteurs… Mais qu’y peut-elle ? Et ça l’enlaidit-elle ? Pour moi le charme opère toujours… Elle n’a jamais été et ne sera jamais la ville de mon premier amour, mais croyez moi sur paroles : Capri, c’est pas fini ! 

Carnet d’adresses

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