A la sortie du village, au débouché du vallon, s’élevait en effet une haute butte, presque un mont, qu’ils gravirent sous un ardent soleil en suivant un petit sentier entre les vignes. Quand ils parvinrent au sommet, la jeune femme poussa un cri d’étonnement devant l’immense horizon déployé soudain sous ses yeux. En face d’elle s’étendait une plaine infinie qui donnait aussitôt à l’âme la sensation d’un océan. Elle s’en allait, voilée par une vapeur légère, une vapeur bleue et douce, cette plaine, jusqu’à des monts très lointains, à peine aperçus, à cinquante ou soixante kilomètres, peut-être. Et sous la brume transparente, si fine, qui flottait sur cette vaste étendue de pays, on distinguait des villes, des villages, des bois, les grands carrés jaunes des moissons mûres, les grands carrés verts des herbages, des usines aux longues cheminées rouges et des clochers noirs et pointus bâtis avec les laves des anciens volcans.
« Retourne-toi », dit son frère. Elle se retourna. Et, derrière elle, elle vit la montagne, l’énorme montagne bosselée de cratères. C’était d’abord le fond d’Enval, une large vague de verdure où on distinguait à peine l’entaille cachée des gorges. Le flot d’arbres escaladait la pente rapide jusqu’à la première crête qui empêchait de voir celles du dessus. Mais comme on se trouvait tout juste sur la ligne de séparation des plaines et de la montagne, celle-ci s’étendait à gauche, vers Clermont-Ferrand, et s’éloignant, déroulait sur le ciel bleu d’étranges sommets tronqués, pareils à des pustules monstrueuses : les volcans éteints, les volcans morts. Et là-bas, tout là-bas, entre deux cimes, on en apercevait une autre, plus haute, plus lointaine encore, ronde et majestueuse, et portant à son faîte quelque chose de bizarre qui ressemblait à une ruine.
C’était le Puy de Dôme, le roi des monts auvergnats, puissant et lourd, et gardant sur sa tête, comme une couronne posée par le plus grand des peuples, les restes d’un temple romain.
Christiane s’écria : « Oh! que je serai heureuse ici. »