La côte des plages
J’ai toujours aimé pendant mes vacances, lorsque c’est possible, alterner découverte et bronzette.
Au centre de la pâle étendue que sillonne le fleuve dormant des curées, elles sont là toutes groupées, ces îles des poissonneux, des pêcheurs de pimpenaux et de sangsues, des braconniers de terre noire et d’eau trouble, groupées cinq comme de petites Antilles, et toutes cinq pareilles dans l’aménagement. Une chalandière les enserre en son anneau de cristal, vraie rue des mirages, avec sa rigole de ciel clair entre les deux noirs reflets de ses berges de tourbe ; une couronne de vieux arbres chevelus, qui font ombre, décor et rideau contre les tempêtes, où l’orme se marie à la sauldre, noueux, mangés de lichens, travaillés du vent de mer ; puis la ligne verte des levées et courtils ; enfin celle des vieilles chaumières, toutes bancales et bossues sous leur pelage de loup, qui s’accotent et se chevauchent des deux bords du petit chemin.
Fédrun, la plus noire, la plus sauvage de toutes, lentement se dégage de ses vapeurs. Dans la chalandière se reflètent plus au fond ses berges noires. Sous la feuille d’argent de ses saules, autour des cabanes de paille, sur les rives à pâquerettes, trouées de garennes de rats, les canards, par centaines, commencent à faire trois pas, secouent leurs ailes, vont boire ou déjà barbotent. Quelques fumées montent des chaumes, et un voile bleuâtre s’étend sur l’île.
C’est la saison de l’année où ces lourdes toisons, ces hautes masses d’épeautre, reverdies sous des gâteaux de mousse de plus de trois pouces d’épaisseur, se couvrent de longues graminées semblables sur ces lignes de faîte à des épis tremblants sur la crête d’un coteau.
De premières récoltes viennent d’être rentrées. Dans les cours, des javelles de roseaux sont entassées, des provisions de foin de marais arrondissent d’énormes dômes ; les mottes, à hauteur de toiture, s’échafaudent par mulons et tourelles, ou, éboulées au hasard, s’entassent, déversées là parmi les débris d’arbres déterrés de la tourbière.
J’ai toujours aimé pendant mes vacances, lorsque c’est possible, alterner découverte et bronzette.
Qu’il est bon d’être en vacances lorsque personne n’y est ! Fin juillet et pourtant les touristes ne sont pas légion…
« Oh la la ! Tu vas voir Saint-Nazaire ça ressemble à Argenteuil mais en plus moche !… »
Mais pourquoi, moi qui aime tant voyager, découvrir, ne suis-je jamais allé à Argenteuil ?
Mélanie et François m’avaient proposés il y a quelques temps déjà de nous prêter leur maison à St Joachim (prononcez chin comme dans machin) au cœur du Parc Naturel de Brière.
Voyager chez soi
Dans les oreilles
Dans ma bibliothèque
J’ai beau être ce que certains appelleraient un « grand lecteur » (ce qui est d’ailleurs de moins en moins vrai) je me rends compte que j’ai toujours du mal à trouver dans ma bibliothèque des romans qui se déroulent dans les régions que je visite… Une fois de plus j’ai du faire des recherches pour vous dégoter la Loire-Atlantique romancée…
Il y a tout d’abord cet obscur Alphonse de Chateaubriand (à priori pas de rapport avec François-René), fier collabo durant la seconde, et écrivain régionaliste, il dépeignit dans ses premiers textes le Grand Ouest et notamment la vie des marais dans La Brière, qui lui valu le Grand Prix de l’Académie Française en 1923.
Près d’un siècle plus tôt Honoré de Balzac se servait de la ville fortifiée de Guérande comme décor pour sa Béatrix (1839). Intrigues et conspirations amoureuses dans la société mondaine et aristocratique du sud de la Bretagne, où l’on trouve parait-il les plus beaux portraits de femmes de la Comédie Humaine, inspirés par George Sand et Marie d’Agoult.
Plus près de nous, Pactum Salis, sorti en 2018, signé Olivier Bourdeaut (En Attendant Bojangle). Quel est donc ce pacte qui semble unir cet agent immobilier, suffisant et plein aux as cloitré dans un palace de La Baule, et ce paludier de Guérande ? Je vous le dirais quand je l’aurai terminé…
Sur les écrans
Pour ma petite rubrique cinéphilique j’ai retenu deux films indispensables.
Les Vacances de Monsieur Hulot (1953) de Jacques Tati, tout d’abord, tourné sur la petite plage de Saint-Marc-sur-Mer. Une chronique – ou une critique – des rituelles vacances en bord de mer dans les années 1950. Tout le charme d’une comédie surannée, une galerie de portrait de vacanciers finement croqués, et l’inénarrable Monsieur Hulot, interprété par Tati lui même, distrait, gauche, plus mime que comédien, tout droit sorti d’un film muet… Comme dans Jours de Fête ou Traffic les situations comiques servent à s’interroger sur un monde en mutation. Quel film ferait-il aujourd’hui ?
Jacquot de Nantes, ensuite, d’Agnès Varda sorti en 1991. Le film retrace l’enfance nantaise, puis l’adolescence de Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg, Les Demoiselles de Rochefort…). Le petit Jacquot, vit au-dessus du garage familial mais ne rêve que de cinéma et de mise en scène. Une petite merveille !
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