Vienne est située dans une plaine au milieu de plusieurs collines pittoresques. Le Danube qui la traverse et l’entoure se partage en diverses branches qui forment des îles fort agréables; mais le fleuve lui-même perd de sa dignité dans tous ces détours, et il ne produit pas l’impression que promet son antique renommée. Vienne est une vieille ville assez petite, mais environnée de faubourgs très spacieux: on prétend que la ville, renfermée dans les fortifications, n’est pas plus grande quelle ne l’était quand Richard Coeur de Lion fut mis en prison non loin de ses portes. Les rues y sont étroites comme en Italie, les palais rappellent un peu ceux de Florence; enfin rien n’y ressemble au reste de l’Allemagne, si ce n’est quelques édifices gothiques qui retracent Moyen-Âge à l’imagination.
Le premier de ces édifices est la tour de Saint-Etienne elle s’élève au-dessus de toutes les églises de Vienne, et domine majestueusement la bonne et paisible ville, dont elle a vu passer les générations et la gloire. II fallut deux siècles, dit-on, pour achever cette tour commencée en 1100; toute l’histoire d’Autriche s’y rattache de quelque manière. Aucun édifice ne peut être aussi patriotique qu’une église; c’est le seul dans lequel toutes les classes de la nation se réunissent, seul qui rappelle non seulement les évènements publics, mais les pensées secrètes, les affections intimes que les chefs et les citoyens ont apportées dans son enceinte. Le temple de la divinité semble présent comme elle aux siècles écoulés.
Le tombeau du prince Eugène est le seul qui, depuis longtemps, ait été placé dans cette église; il y attend d’autres héros. Comme je m’en approchais, je vis attaché a l’une des colonnes qui l’entourent un petit papier sur lequel il était écrit qu’une jeune femme demandait qu’on priât pour elle pendant sa maladie. Le nom de cette jeune femme n’était point indiqué; c’était un être malheureux qui s’adressait a des êtres inconnus, non pour des secours, mais pour des prières, et tout cela se passait à côté d’un illustre mort qui avait pitié peut-être aussi du pauvre vivant. C’est un usage pieux des catholiques, et que nous devrions imiter, de laisser les églises ouvertes; il y a tant de moments où Ion éprouve besoin de cet asile, et jamais on n’y entre sans ressentir une émotion qui fait du bien à l’âme, et lui rend, comme par une ablution sainte, sa force et sa pureté.