Paris, nombril crasseux et puant de France. Le soleil, suspendu au ciel comme un œil de cyclope, jetait sur la ville une chaleur incorruptible, une sécheresse suffocante. Cette fièvre fondait sur Paris, cire épaisse, brûlante, transformait les tandis des soupentes en enfers, coulait dans l‘étroitesse des ruelles, saturait de son suc chaque veine et chaque artère, asséchait les fontaines, stagnait dans l‘air tremblotant des cours nauséabondes, la désertion des places.
(…)
Car même suffocante, Paris était une éternelle bavarde. Sa litanie rendait la fournaise plus insupportable, se glissait sans relâche dans les tympans fondant de cérumen, frappait l’esprit, envahissait la pensée, occultait l’existence d’un silence improbable. Le son des voix criardes, le choc des sabots sur le pavé, le souffle épais des chevaux, le frottement des roues des carrosses, le claquement des portes, l’expulsion chuintante des crachats, les rots, les pets, les ronflements, les plaintes, les pleurs, les rires grossiers, les bris de vaisselle, l’enchevêtrement des pas, des courses, les insultes, le bruit des coups, des corps entrechoqués, les hurlements enroués des laitières, des fripiers et des porteurs d’eau : tout cela formait un atroce charivari que le voyageur de passage à Paris se hâtait de fuir. Il fallait être né en ce magma pour croire qu’il fût possible d’y vivre.