10 mai 2015
Jours tranquilles à Nerano

Je ne sais pas vraiment à quel moment Aurélie est devenue mon amie. Elle était au départ ma professeure de chant. Vous ne le savez peut-être pas mais un cours de chant c’est un peu comme une séance chez le psy, on parle un peu – beaucoup – de rien, de tout, on décompresse, on vocalise, on parle de soi, on choisit une chanson à travailler qui nous touche particulièrement, qui parle de soi, de nous, ou pas, on se laisse aller, on s’exprime, et en sortant on se sent super bien. Aurélie aurait pu rester ma thérapeute de chant mais durant un cours, si elle se sent en confiance, elle aussi va parler d’elle, se confier… L’amitié naît là. Puis les fous-rires, les dîners, les week-ends dans sa Bourgogne ancestrale, et les douleurs partagées, parallèles… J’écris ces lignes après avoir réalisé avec fierté la pochette de son dernier single, elle a fait de sa voix ce que je n’ai jamais osé faire : son instrument de travail. Mais ce qui a sans doute scellé cette amitié, outre les concerts que nous avons donnés ensemble, c’est ce séjour à Nerano. 

Pour trouver la maison réservée, rien de plus simple nous avait assuré la femme de l’agence (après avoir essayé de nous refourguer une excursion en yacht de luxe) :

  • Maria vous attendra devant avec un gilet jaune, vous ne pourrez pas la rater ! 

Dubitatifs et amusés nous imaginons Maria, seule sur le bord de la route, à nous attendre depuis 10h du matin, toute de jaune vêtue… et c’est effectivement ce que nous avons vu apparaître au détour d’un virage, sur une route déserte, une femme brune, sans âge, vêtue d’une blouse surannée et d’un gilet jaune ! Fou-rire. 

La maison est bien assez grande pour deux, avec une petite piscine glacée et un immense toit-terrasse où nous prenons le petit-déjeuner.  Pour nous rendre à la mer nous devons suivre encore deux ou trois lacets de la route, assez mal éclairée, où les trottoirs font défaut. Il y a sans doute un chemin à travers les villas mais comment s’y retrouver ? 

Nerano est une minuscule station balnéaire familiale qui s’étire le long d’une bande de gros sable gris. Quelques hôtels, quatre ou cinq restaurants, pas de bar, pas de boîte de nuit ; l’endroit idéal pour un séjour reposant. Nous sommes en mai, les touristes ne sont pas légion et leur absence contribue à la quiétude du lieu. De là partent des bateaux pour Capri, et la splendide côte amalfitaine est toute proche : de quoi nous permettre quelques excursions. En attendant nous vivons la vie de tout vacancier en bord de mer : nous allons à la plage, déjeunons et dînons dans de petites gargotes, nous lisons, nous racontons nos vies, nos plus grandes joies, nos plus lourdes peines, déballons les souvenirs en masse… Serait-ce l’air marin ou l’huile d’olive qui nous poussent aux confidences ? Ou tout simplement la joie d’être ailleurs, ensemble, loin de nos habitudes, de nos vies. Les jours ne sont ni trop longs ni trop courts, ils s’étirent lentement, sans ennui. Citronnade, chapeaux de paille et romans de gare sont les alliés de ces journées tranquilles. L’amitié se tricote au fil de nos silences (peu nombreux il faut bien l’avouer) et de cette nouvelle intimité.

Parmi les événements de cette semaine de vacances qui créent des souvenirs indélébiles il y a bien sûr notre retour sur Naples au milieu des bouchons, derrière les bus scolaires aux arrêts plus nombreux que les grains d’un chapelet sur des routes trop étroites pour doubler et notre arrivée trop tardive pour attraper notre vol (première fois de ma vie que je rate un avion). Mais ce qui cimentera tout ça, ou plutôt coulera ces beaux souvenirs dans l’ambre est arrivé un soir où nous rentrions après dîner. 

Voilà quelques jours que nous séjournons à Nerano et, maintenant que nous connaissons la topographie des lieux, afin d’éviter la route mal éclairée nous décidons de jouer les aventuriers (du dimanche) et partons à la recherche du supposé raccourci. Le chemin débute sur un parking à l’arrière d’un restaurant, longe ensuite l’arrière de quelques petits hôtels et villas avant de s’enfoncer dans un petit bois. Des chiens grognent et hurlent sur notre passage. Nous accélérerons le pas et plongeons dans la noirceur des bois. 

Si nos pas se sont accélérés pour fuir les clébards hargneux, ils ralentissent à mesure que nous nous avançons, bientôt presque à tâtons. Les lumières de la station balnéaire s’éloignent dans notre dos et nous poussons encore un peu plus loin. Soudain, alors que les aboiements résonnent encore dans nos oreilles, un point lumineux s’allume entre les troncs. Nous nous figeons. Un œil ? De chien ? De loup ? De renard ? De chat ? Oh oui ça doit être un chat, pas d’inquiétude à avoir… se disent nos héros pour se rassurer. Mais c’est un peu haut pour être un œil de chat, non ? Regarde, un autre ! Là sur la gauche… et un troisième, un quatrième… Ce ne sont pas des yeux, ni canins ni félins, mais des lucioles. Les vers luisants s’allument bientôt par dizaines autour de nous, nous escortant vers la sortie du bois dans un décor féerique qui évoque plus la magie de Noël que le sud de l’Italie… Voilà c’est peut-être à ce moment-là, à partager cette vision magique, inédite et inoubliable, qu’Aurélie est devenue mon amie. 

Carnet d’adresses

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