20 juillet 2018
La Grande Brière

Cette année, faute de moyens, et ne souhaitant pas trop m’éloigner de la Normandie où mon père était hospitalisé depuis le mois de mars, nous avions décidé avec Jean-Claude de passer « un été français ». Je ne savais pas encore que mon p’tit père passerait l’arme à gauche trois semaines avant la date prévue de nos vacances. Les dernières semaines avaient été plutôt éprouvantes, l’enterrement et les jours qui suivirent m’avaient mis dans un état second… j’étais épuisé, moralement vidé, j’aspirais au calme et à la tranquillité. Ces vacances seraient donc les bienvenues. 

Mélanie et François m’avaient proposés il y a quelques temps déjà de nous prêter leur maison à St Joachim (prononcez chin comme dans machin) au cœur du Parc Naturel de Brière. Nous ne connaissions ni l’un ni l’autre la région, la décision serait vite prise : notre première semaine de vacances se déroulerait en pays noir, pays de la tourbe et des marais ! Suivrait une semaine à côté d’Avignon chez Laurent et Stéphane et entre les deux la traversée de la France d’ouest en est…

Pour l’heure nous résidons sur l’île de Bais, l’une des sept qui composent St Joachim, capitale du pays brierois. Il fait un temps splendide un peu partout en France et la Loire-Atlantique ne fait pas exception… la région n‘étant pas réputée pour ses fortes chaleurs, pourvu que ça dure. Nos hôtes nous ont laissé, outre les instructions relatives à la maison, une liste des centres d’intérêt et des curiosités du coin. L’île de Fédrun y figure en bonne place. Ça tombe bien elle est à quelques centaines de mètre : en route pour Fedrun ! 

Plus bucolique : tu meurs ! Les années ne semblent avoir aucune prise sur ces maisonnettes basses aux toits extrêmement pentus, couverts de chaume, qui, chacune possède un accès aux canaux striant les marais – une levée, comme on dit ici – et un chaland, barque plate pour naviguer sur ceux-la. Des hortensias bleus et mauves poussent un peu partout. Tout est extrêmement calme. Les rares touristes se déplacent à vélo et les autochtones sont d’une profonde gentillesse. Des visites-balades sont proposées un peu partout, à la première occasion nous sautons dans une embarcation pour en apprendre un peu plus cet environnement si particulier qu’est la Grande Brière. Notre « gondolier », jovial moustachu brierois maitrise parfaitement son sujet et n’hésite pas à blaguer autant qu’il le peut sur les possibilités de semer sa belle-mère, son mari ou toute personne de son choix dans les tortueuses « curée » (canaux) du marais. 

Et maintenant un peu de culture ! Autrefois exploitée pour ses roseaux, ses terres agricoles et sa tourbe – les brierois travaillais dès leur plus jeune âge à l’extraction de celle-ci, donnant au marécage le surnom de Pays Noir – la Briere a été à maintes reprises menacée de « dessèchement », mais,  protégée depuis le XVeme siècle par un décret qui la déclare « collective, indivisible et inaliénable », elle est aujourd’hui réservée aux loisirs (pêche, chasse) et au tourisme. Cependant, même intouchable par les promoteurs de nouveaux prédateurs ont fait leur apparition : le ragondin, introduit au début du XXeme siècle pour sa fourrure se reproduit à une vitesse difficilement maitrisable (3 à 4 portées par an, de 6 ou 7 petits), l’écrevisse de Louisiane, dont l’élevage pour la chair a été un échec, elle aussi se reproduit à toute vitesse sans s’intégrer dans la chaîne alimentaire locale détruisant les grenouilles, et enfin la jussie, plante bien connue des aquariophiles, s’étendant sur le marais jusqu’à faire disparaître le nénuphar. 

Nous croisons également sur de grandes étendues d’eau semblable à des étangs intérieurs où le chasseur brierois aime à guetter le gibier dans sa « bosse » (cabane en roseaux). 

Cette belle promenade sur l’eau nous a ouvert l’appétit et nous partons une fois regagnée la terre ferme chasser la galette à l’andouille ! Met local s’il en est… 

Repus nous continuons notre exploration brieroise : une chaumière typique et sa levée puis le tour du marais par le nord. La route qui mène à La-Chapelle-des-Marais n’offre hélas pas beaucoup d’intérêt. Je repère alors sur la carte les ruines du Château de Ranrouët. Changement d’ambiance ! Une visite théâtralisée vient de débuter que nous déclinons de suivre. Le groupe lui nous talonne mené par un notaire essoufflé tentant de vendre cette forteresse du XIIeme comme un bien d’exception. L’idée est amusante mais le comédien peine à accrocher son auditoire et son micro-casque crachote un son nasillard assez désagréable… Des œuvres d’artistes en résidence sont accrochées un peu partout : ruban blancs et échelles de tissu s’échappant d’une tour jusque dans les douves, grappes de boules de Noël dans les arbres du parc… Dans la cour du château quelques transats où nous nous posons un instant, laissant passer le notaire souffreteux et sa troupe de visiteurs-potentiels acheteurs, qui achèvent leur visite sur une fausse vente aux enchères. 

Nous glanons à la sortie auprès d’une employée du château quelques informations sur le bâti du parc où les constructions et rénovations sont soumises à de strictes règles (toit de chaume incliné à 40%, ouvertures plus hautes que larges…). Elle nous conseille de nous rendre au village de Breca où les chaumières sont toutes conforme au style brierois. Ce que nous faisons dans la foulée. 

Le hameau est piéton. Les visites se font en calèche comme dans une version bretonne de La Petite Maison dans la Prairie. Là encore des promenades en chaland sont proposées et partent d’un « port » aménagé sur le « grand » canal, le seul qui traverse le marais de part en part. Tout ça est très propret, peut-être même un peu trop… et manque un peu de vie. Une curiosité : une stèle érigée à la mémoire du Rouge-de-Breca, « célèbre » joueur de veuze (sorte de biniou local) de la région. 

Les villages alentours, comme Kerhinet, sont du même acabit, tout aussi charmants et paraissent plus cossus que ceux de la rive est où nous logeons. 

Avant de rentrer sur St Joachim et pour terminer cette découverte de la Grande Briere  je convaincs Jean-Claude de faire un détour par Kerbourg où je pourrai photographier mon premier Dolmen !… Ce Pays n’a décidément rien à voir avec la Bretagne ! 

Carnet d’adresses

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