9 octobre 2019
Montreuil-sur-Mer

Si pour la plupart des gens le nom de cette petite ville du Pas-de-Calais n’évoque absolument rien, pour moi elle résonne comme une promesse. La promesse d’une rencontre avec un monument. Je ne parle pas des fortifications dues au sieur Vauban ! L’ingénieur emperruqué de Louis XIV a semé les places fortifiées comme d’autres les petits cailloux et j’ai l’impression qu’il ne se passe pas un voyage sans que je tombe ici sur des remparts, là sur une citadelle, dessinés par celui-ci. Ce qui m’attire à Montreuil-sur-Mer est tout autre, et le monument dont je parle n’est pas en pierre mais en papier imprimé : Les Misérables ! Le chef-d’oeuvre absolu ! Pendant de nombreuses années j’ai d’abord cru que ce village n’existait pas, qu’il était le fruit de l’imagination de ce cher Victor Hugo ; en tous cas je n’avais jamais oublié son nom, ni celui de Monsieur Madeleine, maire de la ville, qui n’est autre de Jean Valjean, renaissant après vingt ans passés au bagne. Mais si ne vous l’avez pas lu, ou vu adapté au cinéma ou en comédie musicale, je ne vous en dis pas plus. Toujours est-il que je rêvais de marcher dans les pas de Victor Hugo. Le 4 septembre 1837, de retour de Belgique, il passe, en compagnie de Juliette Drouet, sa maîtresse, à Montreuil-sur-Mer d’où il écrit à sa femme (quelle santé ce Victor !) : « Montreuil-sur-Mer serait mieux nommé Montreuil-sur-Plaine. C’était autrefois une charmante ville. Ce n’est plus maintenant qu’une citadelle. Mais des remparts, on a une vue admirable de coteaux et de prairies… ».

Benoît de Bretagne, luthier de son état et grand ami de la famille demeure et officie à Bernieule, à quelques kilomètres de Montreuil. Voilà des années qu’il m’invite à lui rendre visite. Le temps filant je n’avais jamais trouvé celui de le faire. Chaque année il organise, un dimanche de début septembre, dans son village, une « brocante musicale ». L’occasion pour Maman de vendre les disques et les livres de mon père, des câbles et quelques instruments de musique, et pour moi de chanter avec les copains. Nous ferons donc ce week-end là d’une pierre deux coup : la bise à la famille de Bretagne et la découverte du patrimoine Hugolien. 

Il ne fait pas vraiment beau mais pas trop gris non plus… ce qu’on pourrait appeler un temps mitigé. Armés d’un parapluie – on ne sait jamais – nous entamons le tour des remparts. Environ 3 km de promenade parfois à près de 40 mètres de hauteur offrant de belles perspectives sur la plaine environnante et sur les ruelles ceintes aux allures médiévales d’où émergent quelques clochers. C’est calme. Quelques heures plus tôt j’étais au Père-Lachaise pour saluer une dernière fois Ariane Carletti, et cette promenade avec vue sur nature m’apaise. 

À la porte de Boulogne : les gendarmes. Les sbires de Javert sont toujours là, au pied de la Cavée St Firmin, à guetter les Jean Valjean… 

Malgré l’heure tardive la citadelle est ouverte. Nous en faisons le tour. Près de la tour blanche, un mariage : une belle américaine rouge ayant probablement amené là les époux, et sur le gazon des enfants endimanchés jouent. Plus loin la tour de la Reine Berthe, inaccessible, tout comme le musée, sans doute est-il trop tard. Jean-Claude en profite pour s’essayer au maniement d’une catapulte. 

Enfin nous quittons les murs et nous enfonçons, un peu au hasard, dans les ruelles. De belles façades à colombages, d’autres plus  riches témoignent d’une époque prospère où la ville produisait du drap fort réputé, comme Calais de la dentelle. Bientôt l’abbatiale Saint-Saulve, elle aussi à l’allure fortifiée, bâtie sur l’emplacement du monastère Saint-Walloy autour duquel la ville se construisit ; puis à l’autre bout de la place Gambetta le bel ancien Hôtel-Dieu (devenu aujourd’hui simplement hôtel) et la gothique chapelle Saint-Nicolas qui lui est accolée. 

Hormis un hôtel et une école qui portent son nom je n’ai pas trouvé traces du « grand petit homme » qui vint ici il y a 182 ans. Une statue à son effigie serait pourtant du plus bel effet sur la Grand Place. C’est dans les étroites traverses, micro-ruelles permettant de passer d’une rue à l’autre, coincées entre les maisons, à l’abri des regards, comme autant de passages secrets que je retrouve l’esprit de Victor. J’imagine Fantine y vendre ses cheveux et bientôt sa vertu pour nourrir sa Cosette. Ces passages sont étranges et on se demande à quoi ils pouvaient bien servir… 

De retour sur la Grand Place nous retrouvons ma mère et Chloé pour une bière. Le serveur est transgenre… C’est bien le dernier endroit où je m’attendait à en croiser ! Si Victor passait là aujourd’hui ferait-il de l’un de ses personnages un trans ?… Allez savoir !

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