30 mars 2019
Départ – Ring of Kerry

Texte Anne-Laure Bichet


C’est une maison bleue, adossée à la colline…, et… c’est une maison jaune adossée à la colline…, et rouge ! Elles nous sont apparues dans le petit matin, telles que nous les avaient décrites Jean-Claude. Sans doute un peu ternes, mouillées par la pluie, mais patchwork habillant Cobh d’un manteau douillet. Après une nuit passée sur le Pont-Aven, elles nous ont accueilli pour notre premier jour en Irlande. Nous avons attendu patiemment que le (Brittany) ferry accoste et, à bord cette fois de notre fiat500, avons débarqué sur l’île.

Le premier arrêt est important dans un voyage. Va-t-il donner la note de tout le séjour ou est-il une étape nécessaire, préliminaire au deuxième arrêt ? Doit-il se faire au feeling ou bien, au contraire, doit-il être mûrement réfléchi ? J’y pense ici, mais nous n’y avons pas pensé une seule seconde là-bas. J’ai vu, survolés par les corbeaux, un bout de clocher en ruine et un cimetière en friche… et j’ai demandé aux garçons de s’arrêter. Nous nous y sommes dégourdis les jambes, j’ai noté Inishcara, dans mon téléphone, pour savoir, et le noter ici. Et nous sommes repartis dans Le Royaume : le comté de Kerry.

Nous avions rendez-vous avec Killarney, une ville à l’entrée du parc national du même nom, qui couvre une grande partie du centre et des montagnes du Comté de Kerry. Killarney est située au creux d’une vallée. Elle est chaleureuse, rythmée par ses façades colorées, et nous avons pris plaisir à nous y balader. Enfin…, jusqu’au moment où Jean-Claude, grand défenseur de la nature, et des animaux en particulier, a fait la grimace devant un magasin de laine. Il s’est figé, là, devant la vitrine, où des peaux de moutons, au lieu de lui paraître chaudes et confortables, lui ont fait penser à un cimetière d’éléphants irlandais. Il va sans dire que, pendant qu’il contemplait cette scène sordide, Wilfried et moi, gloussions comme des poules insensibles face au doux visage tout crispé de notre ami écœuré.

Achevant le supplice, nous avons repris la voiture pour le manoir Mukross House. C’est au cœur du parc national qu’il se situe, s’étalant majestueusement sur une pelouse, évidemment, d’un beau vert, qui coure en pente douce jusqu’à un lac. D’énormes rhododendrons, des azalées somptueux égayent les abords du plan d’eau que nous quittons pour prendre un peu de hauteur. Depuis Ladies View, nous voyons tout l’Upper Lake et la vallée. Et nous y croisons nos premiers moutons. Vivants. Ils sont beaux ces moutons, ils nous préparent déjà aux arcs en ciel, qui seront bientôt nombreux sur notre route : tête noire, belle fourrure crème et dense, tachetée de turquoise et de violet !

Nous poursuivons notre visite de la Péninsule d’Iveragh, la plus grande du sud-ouest de l’Irlande. Le prochain site que nous rejoignons est très intrigant. Staige Stone Fort, fort circulaire, qui me fait penser aux crop circles, aurait été bâti entre 300 et 400 avant JC. Nous hésitons sur ce qu’il a pu être et les guides ne nous aident pas beaucoup : place forte, observatoire, temple ou bien encore lieu d’artisanat, puisque une extraction minière de cuivre a été découverte à proximité ? Il s’agit, en tous les cas, d’un morceau d’histoire sous la forme d’un empilement de grosses pierres grises, qui composent plusieurs paliers. Des escaliers ont été construits dans la paroi, menant au chemin de ronde. Et nous grimpons allégrement et joyeusement là-dessus ! Il est là, sans aucune protection, libre d’accès, lui qui a connu l’âge de fer !

Cette première journée s’achève doucement. Il est temps de prendre le chemin qui nous mènera à Kells Bay House, un hôtel au milieu d’un jardin géant de plantes tropicales, qui a la particularité de servir de la cuisine thaïlandaise. Wilfried et moi avions trouvé cela amusant pour notre premier dîner irlandais.

Pour y arriver, nous prenons le chemin des écoliers, espérant découvrir un endroit secret. Nous quittons donc la route prévue initialement, pour nous rapprocher de la mer. C’est un peu risqué, car nous voilà embarqués dans un chemin très étroit. Impossible de faire demi-tour. Heureusement, une marche arrière rondement menée nous permet de sortir de l’impasse, et de constater que le hasard a bien fait les choses! Il nous a mené à  Lamb’s Head, une des plus belles découvertes de cette journée! Nous sommes face à une lagune peuplée d’oiseaux, aux allures de bout du monde. Le soleil couchant et l’eau argentée nous font cadeau de leur harmonieux mariage.

Nous arrivons au Kells Bay House au crépuscule. Une hôtesse chinoise et peu accorte nous guide jusqu’à nos chambres, situées, a priori, dans une aile nouvellement rénovée du bâtiment, au regard de l’odeur de « neuf » qui émane du lieu et, des abords, encore en chantier, que nous apercevons depuis les fenêtres. Des tons taupe et ficelle, une moquette ultra épaisse, des lits immenses et une déco simple et cosy nous attendent. Ma chambre donne sur la palmeraie et la baie de Kells. Hormis ma fort belle salle de bain qui est sur le pallier, ce qui ne sera d’ailleurs pas bien gênant puisqu’on dirait que nous sommes les seuls habitants de l’aile, tout est parfait !

Nous nous posons un petit quart d’heure, avant de nous retrouver dans la salle du restaurant, le Sala Thaï. Notre hôtesse nous remet le menu. Les garçons commandent une bière et nous étudions avec enthousiasme les mets proposés: Tom Kha Soup, Red Curry- Kaeng Daeng Phet, Massaman Curry, Paht Thaï… Nous en avons l’eau à la bouche… Et justement, en parlant d’eau… Sur toutes les tables sont posés des petits flyers nous alertant sur l’eau du Comté de Kerry, qui serait contaminée par des produits chimiques et donc non-potable. Il nous est donc très fortement recommandé de n’utiliser que de l’eau en bouteille. Nous sommes un peu surpris : notre hôtesse nous a donné une carafe d’eau, les délicieuses soupes thaïlandaises ne sont sûrement pas à l’eau minérale… Jean-Claude se tourne immédiatement vers la portabilité de l’information, toujours à nos côtés, quelles que soient les situations. Mais nous ne trouvons absolument rien sur le net pour nous éclairer. Notre hôtesse s’approche et nous lui demandons ce qu’il en est. Elle rit d’un air gêné en nous disant, dans un anglais approximatif, qu’il n’y a aucun danger (danger de quoi, de mort ? de diarrhée imminente ?). Nous lui montrons les flyers, posés sur absolument toutes les tables, qui semblent indiquer que quelqu’un tient vraiment à ce que nous soyons informés. Elle nous répond que ce sont les propriétaires qui ont voulu ça, mais que ça n’a aucune importance, qu’ici, tout le monde boit de l’eau du robinet. Ok. Il est tard, nous avons faim. Nous nous régalons donc de plats délicieux, épicés et potentiellement dangereux, avant de nous quitter pour la nuit.

Ici se termine le récit de « Seulement un jour en Irlande ». Je vous invite à lire « la suite du voyage » afin de découvrir ce qu’il advint des héros de cette histoire. Auront-ils succombé à d’atroces douleurs gastriques ou les découvrirez-vous, reposés et intrépides, prêts à affronter d’autres aventures rocambolesques ? Vous le saurez en regardant, euhhh, en lisant « La Péninsule de Dingle« .

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