Un week-end au Havre ? Et pourquoi pas !
Voilà quelques jours que l’on nous prévoit du beau temps, du très beau temps, pour le week-end, autant en profiter pour se faire une petite escapade. Mais nous n’avons rien organisé… lorsque je me réveille samedi matin Jean-Claude s’est déjà rencardé sur les hôtels, nous consultons les horaires de trains, pas le temps de tergiverser : en route !
Deux heures plus tard nous sortons de la gare. Notre hôtel n’est pas très loin, nous nous y rendons à pied, le nez en l’air à scruter l’architecture. Car on vient surtout au Havre pour son architecture, pour le centre-ville, bombardé en 1944 par les anglais et reconstruit après la guerre selon les plans d’Auguste Perret, roi du béton et maître du futur Le Corbusier. Mais pour l’instant plus de brique que de béton. De beaux immeubles bien antérieurs à la reconstruction. Tout n’as donc pas été détruit.
Devant l’hôtel, quelques minutes d’hésitation : le numéro 15 n’apparaît pas au dessus de la porte. Nous nous décidons tout de même à entrer. L’homme aux clefs d’or qui nous a vu tergiverser devant son établissement nous salut hilare d’un « c’est bien ici, des hôtels Carmin il n’y en a pas cent ! ». Le temps de poser les sacs à dos, d’acquérir un plan de la ville et nous repartons trouver un endroit où nous restaurer. L’hôtel bénéficie vraiment d’un emplacement idéal, à deux pas du centre « historique ». L’hôtel de ville est notre point d’entrée dans l’univers de Perret : gigantesque, tout en béton grège, flanqué d’une immense tour. Devant, une esplanade agrémentée de jets d’eau et de bassins. Puis la rue de Paris, ses arcades et la perpective jusqu’au port. Mais nous verrons cela plus tard. Une rue piétonne. Toutes les brasseries avec terrasse ensoleillée nous refusent. Trop tard pour se faire servir à déjeuner. Une crêperie, à l’ombre (tant pis), fera l’affaire.
Rassasiés nous nous rendons à St Joseph. Je suis impatient de voir cette église en béton. Celle de Nice m’avait déjà grandement impressionné il y a quelques années.
Un mariage est en cours… vous ne pourrez pas faire le tour, nous prévient-on à l’entrée. Nous stationnons sagement, tout au fond, derrière les invités, fascinés par ces hauts murs de béton percés de milliers de petites ouvertures colorés, que le soleil démultiplie en mouchetant sur les piliers des taches rouge-orangées. C’est alors que le curé se met à chanter.
– Non mais ça va pas la tête ?! On ne vous oblige pas à prendre des cours de chant au séminaire ? C’est bien dommage !
Ce qui sort de la bouche de ce malheureux est tellement faux que toute l’assistance a du mal à se retenir d’éclater de rire. Et c’est qu’il insiste le bougre ! J’espère que St Pierre n’est pas trop regardant sur la justesse de ses ouailles pour les accueillir en son sein… L’office terminé nous pouvons voir la voûte, malgré ses 4400 tonnes, elle demeure plus légère que tous les chants religieux que nous avons eu à subir.
Ensuite, direction le Volcan, construction futuriste due à Oscar Niemeyer, qui abrite la scène nationale du Havre. Éclatant de blanc, tout en courbes, alors que les immeubles qui l’entourent sont la rectitude même. Vraiment étonnant ! Plus loin, la rue de Paris et ses arcades, sous lesquelles se tiennent les éventaires d’un vide grenier, la cathédrale à la façade baroque et à l’intérieur sobrement gothique, l’une des rares bâtisses du centre ayant résistées aux bombes des anglais.
Cette année, pour les 500 ans de la ville, une commande d’œuvres originales avait été passée auprès d’artistes pour « habiller » la ville. Les festivités sont terminées mais certaines créations sont encore en place. C’est le cas du (?) sculpture colorée et aérienne, amoncellement de containers en forme de grand huit. Le jour décline peu à peu, donnant aux bâtiments des couleurs orangées. Nous poussons jusqu’au bassin du roi, puis la passerelle François le Chevalier pour contempler de loin les silhouettes du Volcan et de saint Joseph se refléter dans le bassin du commerce.
J’ai repéré, plus tôt, une sorte de roof-top, un bar avec terrasse au premier étage d’un immeuble bas : L’Étable. Parfait pour l’apéro. Mais le froid et la faim nous pousse bientôt à chercher un endroit pour diner… « Pensez à réserver, c’est samedi soir » nous avait prévenu l’hôtelier… faute de l’avoir fait nous essuyons refus sur refus et notre gargantuesque envie d’un plateau de fruits de mer se désintègre peu à peu. Nous trouvons finalement à nous attabler vers les halles. Adieu huîtres, palourdes et crustacés mais au moins nous allons dîner !
Au retour nous profitons des illuminations du volcan : étranges voir même un peu dérangeantes…
Dans la nuit, Jean-Claude, ne connaissant pas l’agencement de la chambre et ne voulant pas allumer pour ne pas me réveiller, se cogne l’œil sur un porte-serviettes… son œil pleure sans arrêt, la luminosité le gêne atrocement (et bon sang qu’il fait beau ce dimanche au Havre !); nous ne pourrons pas dans ces conditions faire le programme que nous avions prévu…
Nous visitons tout de même l’appartement témoin dans l’un des immeubles de la reconstruction. Entièrement remeublé dans le style de l’époque grâce à des dons, l’appartement semble être encore habité et nous faisons une véritable plongée dans le temps ! Moi qui adore le design des années 50, j’aimerai y poser mes valises et ne plus en repartir. Les volumes sont immenses, l’appartement extrêmement lumineux alors qu’il n’est qu’au premier étage, l’agencement des pièces absolument parfait. La conférencière – espagnole – nous explique tout du béton et du concept de logement proposé par Perret. C’est passionnant.
Jean-Claude n’est vraiment pas en forme… une dernière balade jusqu’à la plage – en passant par la pharmacie de garde – et il est temps de déjeuner. Les restaurants du bord de mer sont bondés. On nous propose d’attendre au minimum trois quarts d’heure ! Décidément, se nourrir au Havre est un véritable casse-tête. Même galère en empruntant les rues qui ramènent au centre : « il est trop tard, nous ne servons plus », « le dimanche c’est buffet et il n’y a plus rien », « on est complet, je ne prends plus personne »… C’est découragés que nous poussons la porte de Paillette, une brasserie à quelques pas de notre hôtel.
– Bien sûr messieurs ! Vous êtes deux ? En terrasse ?
Et voilà ! Même si le lieu semble plein comme un œuf on nous trouve une table en terrasse en quelques secondes. Efficace et sympathique ! Que demander de plus ? Et bien un grand plateau d’huîtres pour achever ce week-end (improvisé et malheureusement écourté) sur une note de bonheur iodé !