29 mars 2017
Torridon sous la pluie

Attablé seul au petit déjeuner pendant que ses comparses de voyage – Anne-Laure et moi-même – nous préparons, Jean-Claude voulu tester un plat qu’il avait vu passer et qui séduisait ses narines de sa délicate odeur fumée. La serveuse avait semblé amusée de sa commande – nous dit-il; il comprit rapidement pourquoi : les kippers, plat de breakfast typiquement écossais, sont des filets de harengs fumés et salés… personnellement je ne m’y serais pas risqué à 9h du matin mais Jean-Claude aime les challenges ! En nous racontant l’anecdote, alors que nous quittons l’hôtel qui je le rappelle n’a de Royal que le nom, il nous dira avoir tout mangé, nous le croyions sur paroles et nous le croyions aussi bien volontiers quand il nous dit qu’il ne re-tentera jamais l’expérience !

Le temps n’est finalement pas aussi mauvais que nous le craignions et décidons de nous offrir un petit tour au nord de Skye puisque nous ne sommes pas contraints par des horaires de ferry : nous prendrons le pont pour retourner sur la terre ferme.

Si la veille l’île nous avait finalement peu séduite c’est sans doute que nous avions encore Mull dans la tête. La comparaison ne sert à rien, les deux îles sont fondamentalement différente : si Mull est vallonée, douce, féerique dans sa lumière rose du couchant, Skye est virile, presque violente dans ses reliefs découpés, ses hauts sommets battus par les vents, ses falaises vertigineuses et ses cascades versant directement dans la mer.

Cap au nord ! Nous nous dirigeons vers les falaises de Kilt Rock lorsque nous voyons se découper sur le ciel menaçant les impressionnantes formes rocheuses de l’Old Man of Storr qui ne sont pas sans rappeler les cornes d’un rhinocéros. Nous n’avons pas le temps de faire la randonnée qui nous mènerait jusqu’à ces aiguilles dont la plus haute mesure presque 50 mètres de haut, mais prenons le temps de nous promener le long de falaise à Lealt Falls puis de faire un arrêt à Kilt Rock pour jouir de la vue sur la côte déchiquetée et sur la cascade dans le soleil et la brume. Il y a pas mal de touristes (nous discutons d’ailleurs avec un couple d’italiens fort sympathiques), une fois de plus nous nous demandons ce que deviennent ces lieux en pleine saison estivale…

Deux options s’offrent ensuite à nous :

1/ continuer le tour de la pointe nord et voir les ruines de Duntulm Castle

2/ couper à travers terre et nous rendre au Quiraing qui culmine à 549 mètres…

Nous avons déjà un château de prévu dans la journée nous optons donc pour la montagne. Grand bien nous en a pris : nous nous retrouvons dans un paysage absolument grandiose digne d’un décor de Jurassic Park – certains réalisateurs n’ont d’ailleurs pas hésité à tourner dans ce lieu. Des crêtes vertigineuses, adoucies par des siècles de vent, tout autour, couvertes de vert, et la vue sur la plaine descendant vers la mer. À couper le souffle ! Nous crapahutons, essayons quelques photos au retardateurs et reprenons la route vers le sud, le pont à Kyle of Lochlash qui surplombe le Loch et offre une perspective magnifique vers l’intérieur jusqu’au Eilean Donan Castle, notre prochaine étape. La pluie se met à tomber lorsque nous y arrivons – c’était prévisible, on ne pouvait pas traverser l’Ecosse sans une seule journée de pluie ! Le château le plus photographié d’Ecosse s’offre à nous sous un ciel menaçant, de lourds nuages gris le dominent faisant ressortir la couleur de ses pierres, une fois de plus nous sommes plongés dans un tableau romantique. Nous nous réfugions à la cafétéria du « tourist center », la nourriture est sans grand intérêt mais nous sommes à l’abri de la pluie.

Notre carte de presse – gentiment offerte par Visit Scotland – ne nous donne pas accès à la visite du château, et aux dires du guide vert, il n’y a pas grand chose à voir… nous abandonnons donc là Eilean Donan et reprenons la route vers le nord. La pluie est toujours là, faisant ressortir les couleurs de manière spectaculaire.

– On n’était pas censé longer le Loch, là ?

– Bah si… en même temps on a bien suivi les panneaux. Y a peut être plusieurs routes qui mènent à Applecross…

Nous n’avons effectivement pas pris le bon chemin mais nous sommes dans la bonne direction; sans le savoir nous avons pris un raccourci. À défaut de paysages marins et lacustres nous traversons la montagne couverte de lande rousse, enveloppée de brume, mouillée de bruine.

Nous les entendons avant de les voir : des bêlements sur tous les tons, en continu; que se passe-t-il ? D’où viennent-ils ? Au delà d’un éperon rocheux, elles sont là par dizaines : des brebis ! Le long de la route,  bêlantes, comme des hordes de chats réclamants à manger. Pourquoi font-elles autant de bruit ? Nous ne le saurons jamais, mais ce qui est sur c’est que nous vivons un moment inoubliable : la route étant pratiquement plate à cet endroit, les ovins paraissent glisser sur un tapis roulant de chaque côté de la voiture, nous accompagnant de leurs cris chevrotants.

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Nous retrouvons la côte et la longeons quelques temps, faisant halte à Lochcarron, petit village sans grand charme. Le littoral n’a finalement pas grand intérêt sous la pluie… Nous l’abandonnons au profit d’une route entre les montagnes qui nous mènera plus vite à notre hôtel. C’est terriblement sauvage, pas âme qui vive; comme toujours la route n’a qu’une voie, mais les « passing places » nous servent plus à faire des « pauses photo » qu’à laisser passer d’éventuels véhicules.

Un de ces emplacements aurait été bienvenu lorsqu’un majestueux cerf nous coupa la route, sortant de nulle part, galopant pour fuir notre voiture ronde… Si il y avait une photo à ne pas rater cet après-midi là c’était celle de l’animal juste devant notre voiture (à quelques dixièmes de secondes nous lui serions rentré dedans), mais la pluie, les essuies-glaces, l’impossibilité de s’arrêter ont fait que cette possible photo restera dans un coin de notre cerveau et ne sera jamais développée… En racontant à la maitresse des lieux, à l’hôtel, le soir, qu’un cerf à croisé notre route, elle s’étonnera :

– Oh vraiment ? vous n’en avez vu qu’UN ?

Ce que nous avons vu par contre par dizaines ce sont des « cattle grid » : à intervalles réguliers le bitume cède la place à de grosses grilles, destinées à empêcher le bétail (cattle) de traverser et changer de parcelle. Lorsque nous passons dessus en voiture tout tremble, et nous nous amusons comme des gosses à chaque grille à rajouter des « brrrrrr », « vrrrr ».

Nous longeons maintenant le Loch Maree, le devinons plus que nous le voyons entre les arbres gris et nus, faisons halte à la Victoria Fall – sur laquelle je m’attarderai pas puisqu’Anne-Laure s’est un peu mélangée dans ses souvenirs et à rapportée cette visite à la date du 30 mars… Dans cette humidité ambiante, sous un ciel bas et lourd, je commence à me demander s’il était vraiment utile de choisir un hôtel aussi loin dans le nord… mais quand nous nous garons devant le Shieldaig Lodge Hotel je sais pourquoi nous sommes venus jusqu’ici ! Ce vieux manoir victorien est absolument ce qu’il nous fallait après une journée à rouler sous la pluie. C’est à la fois élégant, charmant, chaleureux, spacieux, reposant… et pour une fois nous avons un peu de temps à tuer avant l’heure du diner, ce qui n’est pas pour me déplaire ! Nous nous retrouvons donc au bar, où sont disponible plus de quatre cent références de whisky et soixante-dix de gin – notre hôtesse nous avouera avoir gouté le tiers de la collection ! Quatre jeunes français sont là également, nous les avons déjà croisés sur Mull au Western Isle à Tobermory et sur Skye le matin même à Kilt Rock. nous apprenons bien vite qu’ils sont de la même région qu’Anne-Laure et échangeons joyeusement nos impressions de voyages. Cette belle soirée de détente dans ce lieu magique s’achève par un délicieux diner et par une discussion à bâtons rompus avec notre hôtesse sur des sujets aussi variés et polémiques que la chasse, le brexit et l’Union Européenne, le tourisme en Ecosse, les langues gaéliques, les accents, le régionalisme et le Royaume-Uni. Elle nous dira, d’ailleurs, à ce propos :

– je suis écossaise, je me sens parfois britannique, jamais anglaise !


Dormir au Loch Maree

Alors là, franchement… Probablement l’un des plus beaux hôtels où il m’a été donné de dormir ! Cet ancien pavillon de chasse victorien transformé en hôtel propose plus que du confort : beauté de la nature environnante, élégance, luxe et calme sont au rendez-vous. Tartans bien sur, canapés Chesterfield, armures, billard, pied de table en bois de cerf, cheminée dans les chambres… 400 bouteilles de whisky et plus de 70 de gin au bar ! Tout est beau, à sa place. La table est somptueuse. Et les petits plus qui font toute la différence : des prises USB au chevet du lit, des trophées de chasse en tweed et un petit Nessie en plastique sur le bord de la baignoire pour amuser les enfants. Que du bonheur… Le genre d’endroit où l’on voudrait rester quelques jours, assis au coin du feu, avec un bon roman.


 

Carnet d’adresses

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