Six mois s’étaient écoulés depuis le décès de Jean-Jacques. Le 12 mai, date de son anniversaire, approchait et je ne voulais pas être à Paris ce jour-là. Partir ! N’importe où, mais partir. Voir du pays, m’aérer. Et si possible découvrir des lieux que je ne connais pas. Aurélie, pour d’autres raisons, a aussi besoin de prendre l’air. C’est décidé nous partirons ensemble. Une semaine. Mais où ? Un peu de soleil au mois de mai ça devrait se trouver. L’Espagne ? L’Italie ? Le prix des billets d’avion orientera notre choix : Naples ! Et la côte amalfitaine ! Nous n’allons pas rester une semaine en ville… Notre budget est serré et pour éviter d’avoir à supporter le coût de deux chambres d’hôtel nous préférons louer sur AirBnB. Je l’ai déjà fait par le passé – notamment à New York et à Nice – et je n’ai jamais eu à m’en plaindre. Nous réservons donc deux chambres chez Francesco, en plein cœur de la ville.
En ce début mai le temps est déjà presque estival et nous promet de belles journées ensoleillées et chaudes. En ville l’atmosphère est même déjà lourde. Naples grouillante et vallonnée est envahie par les travaux. Notre estimation des distances est franchement galvaudée par notre petit plan et lorsque le bus, dans lequel nous sommes montés à l’aéroport, nous dépose près du port, il nous reste une bonne marche à faire pour rejoindre l’appartement. Qu’importe ! C’est trempés et heureux que nous poussons la – très – lourde porte de l’immeuble. Une cour intérieure. Un ascenseur extérieur un peu comme un monte-charge. Puis l’appartement, gigantesque, où vivent Francesco, sa famille (femme, enfants, grand-parents) et quelques touristes de passage, comme nous. Le salon est immense, et s’élève en cathédrale jusqu’à une mezzanine. Au milieu trône un piano, un quart de queue, sur le canapé traîne une guitare : Francesco est musicien, compositeur de jazz. Quelle heureuse coïncidence ! De la mezzanine un accès au toit-terrasse et la vue sur Naples, jusqu’au Vésuve. Les vacances commencent bien.
Nous sommes là pour nous détendre, découvrir et durant deux jours j’entrerai dans chaque église que la ville mettra sur mon chemin, tandis qu’Aurélie profitera du soleil napolitain en terrasse… Nous arpenterons la ville de places en ruelles, entre ombre et soleil.
Ce premier après-midi, place Dante, en terrasse, au soleil.
- due espressi per favore !
Le serveur revient bientôt, non avec deux expresso mais deux spritz. Notre accent n’est sans doute pas encore très au point. Nous sommes hilares et nous excusons platement. Le serveur s’excuse lui aussi, tout sourire, en nous apportant deux cafés.
Pas de visite à proprement parler cet après-midi-là. Nous nous laissons porter, au gré de nos envies, jusqu’à la mer. Au retour, une grande rue commerçante et piétonne, les enseignes y sont les mêmes que dans toutes les grandes villes, la mondialisation ronge les spécificités ; le soir qui descend gomme peu à peu les façades et ne restent bientôt que des vitrines illuminées où des mannequins de plastique portent les mêmes robes, tee-shirts, pantalons qu’à Paris, Londres ou Berlin. Plus les centre-villes se ressemblent et plus nous cherchons l’objet rare, original ou simplement différent. Ce constat en temps normal me « déprime », et pourtant ce soir-là, à Naples, rien n’entame ma bonne humeur. Je pousse même Aurélie à entrer essayer ici un débardeur, plus loin une combinaison…
De retour place Dante nous retrouvons la terrasse quittée quelques heures plus tôt. Lorsque le serveur s’approche, tout sourire, nous annonçons d’une même voix :
- due spritz per favore !