Hiver 1991. Le Boy vient de mettre la clef sous la porte. Où vais-je bien pouvoir danser maintenant ? Un garçon que j’y ai justement rencontré me propose, un samedi soir, de me faire découvrir le « gai Paris »… Dernière étape de la soirée : le Piano Zinc, rue des Blancs-Manteaux. L’endroit est étroit, réparti sur trois niveaux. Au premier sous-sol, une scène microscopique peine à contenir un pianiste, son instrument et un chanteur. Ceux qui poussent la chansonnette sont barmen ou clients ; chacun peut se produire là, il suffit de venir un peu avant le début de la soirée avec sa partition pour se caler avec l’accompagnateur, et lorsque le moment est propice le micro est à vous. C’est Jürgen, un grand brun moustachu dont les origines allemandes trainent encore dans son phrasé, qui a eu l’idée d’ouvrir ce lieu si particulier en juin 1981. Il accueille tous et toutes sans distinction, il suffit d’aimer la chanson pour s’y sentir bien. On accourt aux prestations de Vartoch ou de Charlène Duval, on y croise les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, les militants d’Act Up s’y retrouvent, certains soirs on peut y discuter avec Alain Marcel, Mouron, Juliette, Madame Raymonde, ou les comédiens d’une troupe américaine de passage à Paris… Pendant de longues semaines j’observe, avant de me lancer à mon tour. J’y reprends alors, sans grand succès, quelques chansons de mon père, parfaitement inconnues de mon auditoire (excepté du pianiste, Jean-Pierre, qui en son temps aura accompagné l’auteur dans les cabarets)…
En juin 1992, Vartoch’ y organise une soirée où nous reprenons à notre sauce des standards de l’Eurovision. Je remporte la troisième place en chantant, avec une voix de fausset, J’aime la vie de Sandra Kim, habillé en petit garçon (c’est à cette occasion que la photo du jour est prise). Cette prestation, révélant mon « potentiel comique », me vaut d’être engagé dans ma première (et dernière) comédie musicale. Plus tard, Jürgen me proposera d’y donner mon premier tour de chant ! Pendant cinq ou six ans le Piano sera ma seconde maison, on peut m’y voir presque tous les soirs, une bière ou un micro à la main ; j’y ai tant appris, tant aimé… En 1998 le Piano Zinc ferme ses portes. Même si je n’y vais plus beaucoup, je suis un peu orphelin. Je pourrais aligner ici des centaines de « merci », ils ne seront jamais assez nombreux pour exprimer ma gratitude envers ce lieu, ceux que j’y ai rencontré, celui qui l’a créé… Merci Jürgen.