3 avril 2019
Connemara

Texte Anne-Laure Bichet


Et de Galway, ils sont arrivés dans le comté du Connemara.

Alors, avant toute chose et parce qu’à un moment ou un autre, nous allons devoir y passer… Oui, Michel, nous avons mis la chanson pour accompagner cette partie du voyage. Oui, nous avons « Terres brûlées » à tue-tête, savourant cet instant inoubliable ! Mais Michel, le Connemara étant une région située dans le comté de Galway, donc n’étant pas elle-même un comté, tu es bien conscient que nous ne pouvons pas bloquer tes paroles ? 

Tsstsstss Michel… Bref.

Si pour certains, le Connemara est un peu d’enfer, pour moi, il fut le paradis. Nous y avons trouvé la nature comme nous l’aimons, libre, brute, celle qui laisse de la place aux paysages luxuriants où paissent tranquillement vaches, moutons et chevaux. Et bien sûr, l’Irlande des légendes où se nichent de nombreuses ruines médiévales. 

D’ailleurs, le premier stop du jour est à Aughnanure Castle, situé depuis le XVe siècle sur une « île » de la Drimneen, sur les rives du lac Corrib. Nous garons la voiture et longeons un gentil ruisseau jusqu’à ce qu’apparaisse, après un pont rocheux, une charmante tour de 6 étages au milieu d’une pelouse bien verte. Il paraît qu’à l’époque, le fort abritait le chef de clan O’Flahertys et toute sa famille.

L’escalier en colimaçon, avec ses hautes marches, nous permet d’explorer les différents niveaux du donjon : une pièce par étage. Elles sont vides, mais les murs de pierre épais et la haute voûte du 4e étage, nous ramènent irrémédiablement au Moyen Âge. Un chat gris se faufile et nous précède partout où nous allons. Nous le quittons pour reprendre la route vers Wesport, qui sera notre étape pour la nuit.

Mais avant d’arriver au bon port, intéressons-nous au lac Corrib. Qu’en dit notre guide ? « Il est le deuxième plus grand lac d’Irlande : 44 km de long pour 16 km dans sa plus grande largeur. Il compte 1327 îles et récifs, qui abritent des loutres, des oiseaux aquatiques et des espèces de plantes rares. Il jouit d’une réputation mondiale pour ceux qui pratiquent la pêche de la truite à la mouche. Les pêcheurs y trouveront d’ailleurs un excellent réseau de barques à louer tout autour du lac. »

STOOOOOOOOP. J’ai bien entendu, il y a des barques ????!!!! C’est simple, si vous voulez que Wilfried et moi passions une bonne journée, il y a, entre autres, un combo gagnant barques-moutons (-vaches, marche aussi).

Alors oui, quand à travers les arbres, nous devinons une guirlande colorée posée sur les rives du lac, nous supplions Jean-Claude (pas longtemps, car il sait ;-)) de s’arrêter !

Après avoir pris nos 143 photos, à 2, de barque à l’endroit, barque à l’envers, barque amarrée au ponton, nous poursuivons le voyage, tantôt sous la pluie, tantôt sous le soleil, à l’affut des arcs.

Qui n’est jamais allé en Irlande ne sait pas ce qu’est un arc-en-ciel. Quelle magie lorsque nous croisons le premier et ses larges bandes de couleurs franches ! René Descartes explique que la taille de l’arc en ciel dépend de l’écart entre l’observateur et la zone de pluie, et de la hauteur du soleil par rapport à cet alignement. Lorsque l’alignement est optimum, l’arc est petit et on peut voir ses 2 pieds. En Irlande, c’est le cas…, tout le temps ! Et c’est tellement étonnant et merveilleux… et fugitif, que malheureusement, nous n’avons pas pu capturer un leprechaun comptant ses pièces d’or et faire 3 vœux en échange de sa libération. Que lui aurions-nous demandé?    

Mais revenons à nos moutons… enfin, pas tout de suite 😉

En bordure de route… #onestfoutu !!! Nous ne nous y attendions pas. Mais noyé sous la brume, Derryclare Lough se dévoile pour nous. 

Sur la lande rousse, se détache ce lac, d’un bleu profond au moment où nous nous y arrêtons (car il change de couleur tout au long de la journée). Il accueille en son centre un minuscule îlot couvert d’arbres, se reflétant dans ses eaux. Nous avons à peine le temps de les photographier que le vent et la pluie reprennent de plus belle. Réfugiés dans la voiture, nous profitons encore quelques minutes de ce lieu féérique, perdu au milieu des montagnes enneigées et des tourbières.

Le beau temps revient au moment du déjeuner que nous prenons à Clifden. Jean-Claude, qui connaît l’endroit, nous fait prendre Sky Road, une boucle en altitude, d’environ 10 km. Elle porte bien son nom : nous aurons là-haut une vue somptueuse sur la ligne d’horizon, l’océan turquoise et son chapelet de petites îles. Le panorama est magnifique, mais le vent, tellement violent qu’il referme la porte de la Fiat 500 alors que Jean-Claude tente de l’ouvrir, nous incite à ne pas nous attarder. 

Nous redescendons vers la baie et nous dirigeons vers le château de Kylemore.

C’est là qu’on est passés complètement à côté. Mais si. Bien sûr. On n’a pas assuré. Arrivés sur le parking, nous voyons, au loin, une immense bâtisse (66 pièces quand même), blanche, néo-classique, … surplombée d’une immense grue. Nous ne voulions pas voir Versailles. Encore moins en travaux. Nous marchons un peu, genre « on laisse la chance ou bien… » Et finalement, nous repartons, tournant le dos à l’amour et au drame. Celui de Henri Mitchell, riche marchand de Liverpool, faisant construire l’imposant et luxueux édifice pour sa femme Margaret. Il y fait également bâtir une abbaye bénédictine qu’il fera transformer en cathédrale miniature, à la mémoire de sa femme, morte de tristesse après le décès de leur fille disparue tragiquement. En résumé, nous ratons l’Incontournable…

Mais je crois que nous repartons car nous avons soif de nature, et dans cette partie de l’Irlande, elle est particulièrement à notre goût! Dans les prés verdoyants, les barrières en métal font place au damier des murets de pierres entre lesquels les chevaux se promènent librement et paisiblement. Le jaune vif de l’ajonc de Wicklow ponctue les bords de route, offrant ainsi une protection naturelle aux moutons.

Ça y est, c’est là, nous y revenons.

Depuis le début de ce road trip, je survis à une frustration colossale. Lorsque les bêtes sont assez proches pour que je les prenne en photo, elles sont dans des enclos moches, avec des poteaux électriques qui polluent le paysage ou bien, malheureusement, nous ne pouvons tout simplement pas nous arrêter sans danger au bord du chemin. Et lorsque nous le pouvons, les animaux sont loin ou s’éloignent rapidement et mon téléphone portable ne me permet pas de zoomer avec netteté. 

Aujourd’hui, j’ai eu mes barques (1er vœu au leprechaun) et Jean-Claude et Wilfried me promettent des moutons (j’ai eu les vaches 2 jours auparavant, dans le Burren !).

Les garçons n’ont qu’une parole et lorsque Jean-Claude voit 3 moutons tout en bas d’une colline, avec la place pour se garer juste en face, il stoppe la voiture. Wilfried en jaillit afin que je puisse m’extraire sans tarder de la banquette arrière de la 3 portes. Nous voilà donc sur le talus, exultant de plaisir, prenant les 3 moutons sous toutes les coutures. D’autant plus que les bestiaux ne fuient pas. Au contraire, ils sont rejoints par tout le troupeau qui apparaît en haut de la colline et descend vers nous, convaincus sans doute que nous sommes là pour les nourrir. Et nous voilà avec, face à nous, une vingtaine de moutons, qui prennent la pose et bêlent à qui mieux mieux. Wilfried parle aux moutons, me parle, je parle aux moutons jusqu’à ce que JE PARLE MOUTON. L’excitation ? La reconnaissance ? Un bêêêêêê vient de sortir spontanément de moi en réponse à celui de mon sympathique vis à vis à 4 pattes. De surprise, je tourne la tête vers Wilfried, qui évidemment me regarde, avant de partir dans un énorme fou-rire que moi-même j’essaye de contenir pour pouvoir continuer à prendre mes photos sans trembler, ce qui devient de plus en plus dur, car évidemment, je pleure et me tortille car je meurs d’envie de faire pipi. Et Wilfried n’est pas en reste.

Nous remontons dans la voiture, incapables de reprendre notre sérieux et le bout de route jusqu’à Westport est plus que joyeux, car #mademyday, chaque occasion est bonne pour replonger. Bêêêêêêêê !!!

Il est passé 19h lorsque nous arrivons à Westport, dans le comté de Mayo, où Wilfried a réservé dans le charmant et luxueux Wyatt Hotel. Après nous être installés, nous rejoignons vite la salle à manger pour pouvoir encore dîner.

Plus tard, dans un salon à l’ambiance feutrée, de moelleux canapés en grosse toile de lin beige nous tendent les bras. Je m’y love, profitant ainsi du feu de cheminée. À côté de nous, un groupe d’une dizaine d’Irlandais discutent et entonnent des chansons traditionnelles. Jean-Claude hésite à leur demander d’interpréter Molly Malone, l’hymne officiel de Dublin, une de ses balades préférées, qu’il nous fera écouter le lendemain, sur la route menant à Derry. La soirée s’étire doucement dans cette plaisante atmosphère musicale, gaie et chaleureuse, si caractéristique des débuts de nuits irlandaises.

Carnet d’adresses

Cliquez sur la carte pour en savoir plus