Pour aller d’Athènes, où nous avons séjourné deux jours, à la Crète, où nous resterons une semaine, Jean-Claude propose de prendre le bateau. Malheureusement ceux qui relient le Pirée à Heraklion ne voguent que de nuit. Hors de question de traverser les Cyclades en dormant ! Nous ferons donc un stop dans une île : pourquoi pas Santorin ? Oh oui ! Santorin ! Depuis le temps que j’en rêve !… Ce fameux volcan qui explosa à l’âge de bronze provocant raz-de-marée et pluies de cendres et dont les bords du cratère forment aujourd’hui cette île-falaise aux villages blancs accrochés à la crête !
Il y a deux types de bateaux pour naviguer dans les îles, les speedboats, qui par définition vont vite et sur lesquels il faut rester à l’intérieur durant toute la navigation, et les ferries plus lents mais où l’on peut s’installer sur les ponts pour profiter du paysage. Rester enfermés pendant cinq heures ? Certainement pas ! Nous optons donc pour un ferry : départ du Pirée à 7h pour… sept heures de traversée.
C’est encore un peu ensommeillés que nous sautons dans un taxi en direction du Pirée. C’est dimanche matin. Athènes est déserte. Le chauffeur a sans doute peur que nous arrivions en retard, il se met à appuyer sur le champignon comme s’il voulait remporter le Grand Prix ! Sur les grandes avenues l’aiguille frôle les 130, nous nous cramponnons comme nous pouvons et prions Sainte Rita (patronne des causes perdues je vous le rappelle) afin que les vacances ne se terminent pas avant d’avoir commencé… Quelques minutes plus tard nous sommes sur le quai, à l’heure bien sûr, et surtout sains et saufs.
Nous grimpons sur l’immense bateau, comme je l’avais fait dix ans plus tôt pour aller à Mykonos. Deux escales sont prévues : Paros et Naxos ; mais avant cela il nous faut trouver une place à l’extérieur pour profiter au maximum de la vue et du soleil. Nous montons, descendons, remontons, redescendons – avec nos valises – et trouvons au deuxième pont à babord l’emplacement parfait : la balustrade fait une petite alcôve où nous plantons deux chaises volées quelques mètres plus loin et nos bagages, juste à temps pour voir s’éloigner le quai et une petite heure plus tard le cap Sounion où nous avons passé la journée de la veille.
Comme nous sommes à un endroit stratégique nous sommes régulièrement envahis par d’autres vacanciers de toutes nationalités qui comme nous souhaitent profiter du paysage et prendre des photos. Ceux qui nous amusent le plus sont les asiatiques : les femmes en robe longue et coiffées d’immenses capelines posent en laissant flotter au vent un grand foulard de mousseline sous l’objectif enamouré de leur mari. Leurs photos de vacances doivent ressembler à des clichés pour Vogue Magazine dans les années 30. C’est particulièrement ridicule et franchement décalé sur ce grand rafiot qui n’offre en aucun cas le luxe d’un paquebot transatlantique sur lequel leurs frou-frous et leur chapeaux seraient plus à leur place… L’une d’elles, sans mari, me demande si je peux la prendre en photo. Pas de souci. Elle se plante juste devant le soleil créant un énorme contre-jour, je me décale un peu pour que son visage apparaisse sur la photo. Ça ne lui convient pas. Je dois recommencer trois fois. Je finis par faire exactement ce qu’elle veut : une photo sombre où on la voit à peine et où la mer disparaît dans une sorte de halo… Elle est ravie ! Et nous morts de rire !
Halte à Paros puis à Naxos. J’aimerais descendre à chaque escale, visiter ces îles que je ne connais que de nom. Peut-être une autre fois… Le débarquement et l’embarquement se font à une telle vitesse, tout est réglé comme du papier à musique et pourtant c’est un joyeux bordel à regarder depuis notre bastingage ! Tout le monde sort ensemble : les piétons et les voitures ! Je suis sûr qu’hors-saison il y a même des charrettes tirées par des ânes…
Après Naxos nous voyons bientôt les côtes de Santorin et entrons dans ce qui a autrefois été un cratère : c’est magique. Brun presque noir, par endroit des coulées de sable rouge, les chemins de mules en zigzag à flanc de montagne et tout en haut le village d’Oia (prononcer « ya »), étiré le long de la crête, aussi blanc qu’une denture « ultra bright », parsemée de coupoles bleues, de quelques murs roses ou ocres. Plus loin celui de Fira, immaculé, comme s’il venait d’être repeint de blanc le matin même pour notre arrivée. Tout le bateau s’est rassemblé à nos côtés pour observer le paysage qui défile ; chaque paire d’yeux brillants, chaque cliquetis d’appareil photo semble dire : « quelle merveille ».
Une fois à quai, le bateau se vide, comme un lavabo, en quelques secondes. La foule et les voitures envahissent le port au milieu des cris des rabatteurs qui proposent transferts, locations de véhicules, chambres à louer…
Une pancarte à mon nom à l’endroit prévu. Une glace au yaourt le temps d’attendre notre transfert. Et zou direction l’hôtel. Quelques bouchons sur la route en lacet qui monte du port. Rien ne presse. Une petite demi-heure plus tard nous entrons au paradis : de petits bungalows blanchis à la chaux, avec terrasse, des banquettes et des coussins forment de petits « salons » aménagés en plein air, une piscine à débordement et la vue sur la caldera ! Nous ne sommes pas particulièrement fatigués par la traversée – même si nous nous sommes levés tôt – mais cette piscine nous fait vraiment de l’œil ! Aucune hésitation nous passerons le restant de l’après-midi au bord et dans l’eau. Oia sera pour demain !
Nous dînerons à quelques centaines de mètres de là, presque à la pointe sud de l’île, idéal pour profiter du fameux coucher de soleil de Santorin (qui entre nous ressemble à tous ceux, magnifiques, que j’ai pu voir ailleurs en Grèce).