La veille au soir, Anne-Laure partie se coucher, nous avons avec Jean-Claude terminé notre pinte de bière à la terrasse du pub. Nous profitions du calme et des quelques bribes de musique violoneuse s’échappant de l’intérieur lorsqu’un tout jeune homme se pointe devant moi avec un grand sourire :
Je peux fairrre – les écossais roulent les R – une photo avec vous ? J’ai dix-huit ans aujourrrd’hui et je fais des photos avec tout ceux que je crrroise.
Ok pas de soucis
Rebelote avec Jean-Claude. C’est amusant, probablement un ces challenges que s’imposent les jeunes via Facebook. Il fait de même avec tous ceux qui sortent sur la terrasse, seuls ou en groupe. Un peu plus tard ce sont trois hommes et une femme qui viennent s’aérer. Eux aussi ont droit à leur photo. Ils sont guillerets pour ne pas dire déjà bien éméchés, parlent fort et entame la conversation avec d’autres dans le même état qu’eux. Ambiance bon enfant de vendredi soir au pub. Soudain le silence se fait. S’élève alors dans la nuit un vent à faire trembler les lattes du plancher.
Prouuuuuuuuut.
Re-silence suivit d’un éclat de rire général. Mouaaaaarf et ça commente, ça se bidonne ! D’ici à ce qu’ils nous proposent de participer à un concours de pets en plein air il n’y a pas loin… enfin d’éviter la suite de cette pantalonnade foireuse nous nous éclipsons.
Ce matin nos joyeux lurons ont disparus et nous taillons la route à travers le parc national des Cairngorms. Nous quittons tranquillement – et sans regret – le Cairngorm Hôtel, son immonde moquette aux motifs tartan rouges et verts, son pub et ses hordes d’écossais bourrés…
Deux choix s’offrent à nous : prendre vers l’est et rejoindre le splendide Dunnottar Castle au sud de Stoneheaven, au risque de faire beaucoup de route et d’arriver très tard à Stirling où nous devons dormir; ou bien, traverser le parc du nord au sud en passant par Balmoral (le château de la Reine). Nous choisissons la seconde option. Mais ce n’est pas pour autant que nous allons prendre l’autoroute et nous précipiter à Stirling. Nous prenons les chemins de traverses, croisant des lieux-dits aux noms évocateurs comme « Cock Bridge » (les panneaux annonçants des « soft verges » nous avaient déjà bien amusés. De vrais gamins). Nous croisons bien sûr des ovins, au mufle busqué, mais aussi – oh surprise – un groupe de mouflons bruns (ou quelque chose d’approchant) que nous prenons d’abord pour des sangliers, mais surtout des centaines de faisans ! Mort sur le bord de la chaussée mais aussi et surtout bien vivants qui gambadent allègrement un peu partout.
Au nord des Cairngorms s’étend la vallée de la Spey aussi appelée Vallée du Whisky tant les distilleries y sont nombreuses. Nous sommes en Ecosse depuis maintenant 7 jours et nous n’avons encore visité aucune distillerie ! Anne-Laure qui connaît mon goût pour ce breuvage avait poussé pour que nous allions y faire un saut mais j’ai eu peur qu’en remontant trop au nord nous soyons ensuite obligé de traverser le parc à tout vitesse… Alors que nous nous enfonçons dans le parc cherchant à nous repérer sur la carte, un gigantesque panneau annonce : « Tomintoul distillery » ! Mais voilà ! Pas besoin de faire de détour ! Le Whisky vient à nous ! Ni une ni deux nous descendons vers l’usine. Des tonneaux par centaines, et quelques hommes au travail à pied ou sur des chariots élévateurs. Nous demandons s’il est possible de visiter mais non, en tous cas pas en cette saison. Dommage l’endroit avait l’air vraiment authentique ! Pas de panique, ils nous indique la distillerie Glenlivet a quelques kilomètres de là qui elle se visite toute l’année. Le Glenlivet est loin d’être le Whisky dont je raffole le plus (j’aime principalement les Islay, bien tourbés ou iodés) mais je ne vais pas faire la fine bouche, il s’agit avant tout de voir comment se fabrique la boisson dorée et non de faire des emplettes pour remplir ma cave… Nous branchons le GPS afin de ne pas nous perdre sur les petits chemins et nous rendons directement à Glenlivet. On voit tout de suite la différence : il y a un grand parking, tout est propre, un panonceau donne les horaires de visites et sur la porte d’entrée une plaque annonce fièrement « groupe Pernod-Ricard » (sic) ! Pour l’authenticité faudra repasser… faire autant de kilomètre pour visiter un établissement français tient de l’exploit ! La visite dure environ une heure, nous devons éteindre tout appareil électronique, ne pas faire de photos, et suivre au centimètre près une guide qui ne parle qu’anglais même si l’on nous confie un audio guide en français… c’est un peu contraignant mais nous apprenons tout même pas mal de choses sur les différentes étapes de fabrication, l’utilité des alambics (absolument magnifique soit dit en passant), le traitement de l’orge et l’histoire de la distillerie depuis le XIXEME siècle. Vient ensuite la dégustation; on apprend que celui qui surveille la maturation du whisky possède un recipient oblong muni d’une chaîne qu’il peut glisser dans les tonneaux pour récolter un peu de liquide. Cet objet s’appelle le « chien ». Pourquoi ? Parce qu’il est le meilleur ami de l’homme ! Ah ah ah ! Stupéfaction à l’issue de la dégustation, le Glenlivet n’a aucun goût si ce n’est celui prononcé de l’alcool. Beurk. Tant de travail pour ça…
Pause déjeuner à Tomintoul; j’engloutis une tourte au ragoût accompagnée de purée, dans un pub sombre (mais tous les pubs ne sont-ils pas sombres ?) où crépite un feu de cheminée alors que le soleil luit dehors. So typical !
Nous quittons bientôt la plaine pour de nouvelles montagnes, plus érodées qu’à l’ouest du pays, mais suffisamment hautes pour conserver encore quelques traces de neiges et laisser fleurir des remontées mécaniques. Là où la neige à déjà fondue les végétaux forment des mosaïques colorées tantôt rousses, tantôt brunes, rouges sombres ou grise. Ce sont ensuite des bois que nous traversons à l’approche de Balmoral; nous scrutons les arbres à la recherche de cervidés, avec le doux espoir, comme dans le film de Stephen Frears The Queen, de tomber nez à mufle avec un cerf majestueux… Il n’en sera malheureusement rien. Le château Royal est fermé à la visite, là encore à cause de la saison, mais nous ne pouvons même pas apercevoir sa silhouette, dissimulée au fond des bois. Nous ne nous attardons pas. En descendant vers notre point de chute pour la soirée la campagne devient très « anglaise » : petits vallons et pâturages bien verts mouchetés de brebis blanches. La silhouette du château de Stirling en haut d’un promontoire rocheux se détache bientôt sur le ciel bleu.
Nous trouvons sans peine le bed and breakfast réservé, à l’angle du Victoria Square, une immense pelouse cernée de belles maison victoriennes. Notre chambre est à l’étage et donne sur le chateau, celle d’Anne-Laure en rez-de-jardin. Le quartier est magnifiquement calme et la guest house n’a rien a envier à certains hôtels où nous avons logé pendant ces vacances. Une petite demi-heure de pause et nous partons à l’assaut de Stirling pour nous restaurer, la visite de la ville historique sera pour le lendemain matin. Quelques tours dans les rues sans trop s’aventurer pour ne pas gâcher le plaisir du lendemain et nous repérons deux restaurants potentiels, a quelques mètres l’un de l’autre :
Resto A : plutôt chic avec nappes blanches, décorum qui va bien, service stylé et plaque du Lion’s club à l’entrée.
Resto B : pub design, « ambiance jeune » avec déco indus.
Nous prenons le temps d’étudier les cartes à l’extérieur; surprise : les deux proposent à peu de détails près les mêmes plats ! Les écossais n’ont décidément pas d’imagination en matière de nourriture… Nous tergiversons encore devant le Resto B lorsque la porte s’ouvre laissant s’échapper une musique tonitruante et un couple visiblement bien cuit se roulant des galoches longues comme le bras, dans un élan passionné, entre deux coups de langue la demoiselle attrape à pleine main la braguette de son comparse… OK ! Je crois que le choix est fait… Allons au Resto A !
Visiter une distillerie
Qui dit Ecosse dit Whisky et comme je suis plutôt amateur, il faut bien l’avouer, la visite d’une distillerie faisait partie du programme des vacances. Celle que nous avons visitée n’était pas vraiment à la hauteur de mes espérances mais elle était sur le chemin, et même si le Glenlivet ne fait pas partie de mes breuvages préférés, c’est tout de même très intéressant de voir sa fabrication… Pas de visite guidée en français par contre mais un audioguide, interdiction de prendre de photos (quelle frustration, surtout dans la salle des alambics) et l’obligation de suivre une guide pas à pas qui elle s’exprime en anglais… Bref si vous avez la possibilité d’en visiter une autre vous me raconterez.