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30 juillet 2015
Avallon

C’est par là que commence la découverte.

Le long du sillon mosellan d’où je viens, dix communes forment la Vallée de la Fensch, aussi appelée Vallée des Anges.

Je vois déjà vos yeux briller… et refléter ce que votre âme romantique a dessiné : de petits chérubins ailés et bondissants, faisant du toboggan sur les pentes des collines verdoyantes, poursuivant des nymphes au rire cristallin… Mais l’histoire est plus terre à terre : la terminaison des villes (Algrange, Nilvange, Uckange,…) en est la cause.

Dans son album Les Barbares, Bernard Lavilliers a dédié une chanson à cette vallée. Il y décrit un univers rude, noir et poussiéreux. Il y décrit la mine.

C’est là d’où je viens.

Mais où nous allons, par ce grand soleil d’été, où Wil m’emmène, c’est ailleurs.

Chez la déesse Ica-Onna.

Autour de son cou scintille un collier de perles : Tonnerre, Girolles, Valloux, Nanchèvres, Island, Montréal,…  J’aime ces noms qui résonnent de tant d’échos : la fraicheur de la pluie et l’éclat des éclairs, l’odeur de la terre, la musique de pays lointains…

Le ruban se déroule et nos sourires deviennent de plus en plus larges. Je souris du plaisir de Wil, parce qu’il chante à tue-tête au volant. Je souris parce que chaque kilomètre me rapproche des légendes que je lisais enfant.

Chaque virage me rapproche d’Avallon.

C’est aux forges d’Avallon qu’on a fabriqué Excalibur. C’est à Avallon que le roi Arthur, blessé au cours d’une bataille, cherche asile parmi ses alliés bourguignons et est soigné au sanctuaire des femmes, par sa demi-sœur Morgane. C’est à Avallon, enfin, qu’Arthur repose.

En tous les cas, beaucoup d’historiens réputés le croient.

Et moi.

Mais je crois en beaucoup de choses. Il ne faut pas me croire tout le temps.

Je crois qu’Aurélie, qui nous accueille pour ce long week-end,  est une fée, musicienne, et que son cheval sublime se change en licorne quand arrive la nuit.

Je crois que Wil est un prince qui, s’il embrasse un âne de pierre, le transforme en grenouille.

Je crois… que nous sommes arrivés.

Le petit hameau de Vermoiron, sur la rive gauche du Cousin, au nord-est du Montmarte : c’est là que nous passerons ces quelques jours. Une maison de famille pour notre famille de cœur et de chants.

Nous posons nos bagages.

A partir de maintenant, nous allons faire abstraction du temps et nous laisser vivre. Regarder. Parler. Nous écouter. Manger. Boire. Lire.

L’inventaire est fait. Il est simple. Il n’a rien de révolutionnaire.

Je ne vais pas chercher à vous surprendre. Vous en avez fait cent fois l’expérience : le déjeuner s’étire agréablement. Le carré de chocolat adoucit l’amertume du 1er café. Quelqu’un lance : « on en prend un 2è et on bouge ? ».  Et c’est ce qu’on fait.

Nous partons, mais nous ne le savons pas encore, à la chasse à la grenouille.

Devant les portails aux colonnes ondulées et cannelées de l’Eglise Saint Lazare, à quelques mètres de la Tour de l’Horloge, veille, depuis quelques années, un petit animal en pierre de Bourgogne, sculpté par Yvan Baudoin, artiste du Tonnerrois.

Si vous la suivez, elle guidera vos pas de la Promenade des Terreaux  aux remparts de la ville. Vous poserez vos mains sur ces vieilles pierres qui ont protégées Aballo, votre regard portera loin au-delà des jardins en terrasse, desquels vous plongerez dans la vallée du Cousin.

Lorsque vous aurez repris votre souffle, elle vous montrera de petites cours secrètes où les roses trémières et les tournesols se chamaillent le soleil et les abeilles.

Puis elle vous ramènera rue Bocquillot, devant la tourelle de la « Maison des sires de Domecy », Jean et Antoine de Salins.

Après avoir flâné dans l’église, je ne doute pas que vous serez intrigués par ce petit escalier que vous verrez en sortant. La grenouille sourira et vous apprendra que vous admirez l’ancien tribunal d’instance d’Avallon, devenu Galerie de Campagne d’un couple d’antiquaires.

Vous n’aurez aucun scrupule à y entrer et comme vous aurez raison. Les surprises seront là. Une fois rassasiés de jolis objets, vous redescendrez l’escalier et remercierez la grenouille, comme nous l’avons fait. Elle croassera de plaisir en regagnant sa place.

Depuis peu, elle la partage avec une tortue.

J’aime à penser qu’elle est un éloge à la lenteur. Celle de la contemplation qui conduit au bonheur. J’aime à croire qu’elle nous rappelle qu’il faudra prendre notre temps. Le temps de la découverte.

Carnet d’adresses

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