Cala Comte
Pour le dernier jour, une histoire de troglodyte nous a conduit à la plage de Cala Comte. Quand on y arrive, on tombe sur un parking plein. C’est peu engageant. Il faut s’approcher du bord.
D’abord il y a la mer d’un bleu turquoise irréel. Ensuite il y a le sable qui est jaune, presque ocre. Cala Comte est une falaise de sable qui s’avance dans la mer. En face il y a une petite île désertique. La falaise a été érodée en plateaux successifs qui surplombent la plage. Sur le côté un éboulis de gros rochers noirs nous rappelle le passé volcanique. Le décor est paradisiaque. C’est très différent des autres plages.
Il y a du monde. C’est la plage à la mode. Yann nous trouve une petite terrasse en hauteur qui nous permet de dominer la situation et le microcosme local. Il y a du vent aujourd’hui qui nous fait oublier la brûlure du soleil.
De notre position dominante, j’observe la foule présente. C’est une passion. Il y a beaucoup de jeunes. C’est la clientèle d’Ibiza que l’on nous montre à la télé. Les corps sont beaux illustrés de tatouages. Les yeux se cachent derrière des lunettes de marque. Il y a ces quatre filles sur leur serviette à la beauté insolente. Il y a ces quatre garçons debout à côté, le muscle parfait. Personne ne se regarde, tous s’observent. Le désir est palpable même à 50 mètres. Ils se retrouveront plus tard dans une des boîtes de nuit. Il y en a de plus vieux qui essaient de donner le change. Leurs tenues sont ridicules, leurs corps factices, leurs rires sonnent faux.
Il y a ce garçon seul. Il a laissé ses camarades partir avec leur masque observer les fonds marins. Il est sur le bord de la plage. Il fait des dessins sur le sable avec ses pieds. Il danse pour éviter les vagues. Il va sur les rochers, il observe les trous d’eau. Il semble parler aux animaux. Il se couche à plat ventre sur une pierre et laisse plonger ses bras dans l’eau. Son comportement est curieux mais il est heureux. Cela se voit.
Et puis il y a ces deux garçons enlacés dans la mer, ils se parlent tendrement, ils s’embrassent. Plus rien ne semble exister pour eux. J’aime cette liberté que je n’ai pas connue à leur âge.
Je quitte mon perchoir et je vais goûter cette eau si claire. Elle est fraîche aujourd’hui. Je me tourne vers la plage. Mes amis sont regroupés sur notre bout de falaise. Sylviane est allongée. Vincent est assis enveloppé dans sa serviette. Yann et Willy, debouts, scrutent l’horizon. Je cadre cette scène au plus prêt et retire le contexte. Je pourrais les croire perdus dans le désert. Mais je les vois apaisés. Ils ne sont pas perdus. Ils dominent le monde. Ils sont forts. Ils sont beaux. Heureux.
Je fais un zoom arrière. Le tumulte de la faune locale revient en arrière plan. Et là, je vois bien qu’ils sont à part. Ils n’ont rien d’exceptionnel. Ils sont liés. Ils sont ensembles.
Nous sommes ensembles.
Dernière soirée
Nous avons rendu les scooters. Nous avons fait nos valises. Nous avons nettoyé l’appartement. Demain nous repartons. Mais ce soir là Es Cana est en fête.
Nous descendons au village. Les trottoirs sont remplis. Des concerts à chaque coin de rue diffusent une musique forte. La foule est joyeuse. Nous déambulons dans les rues, nous laissant porter par l’euphorie collective.
Nous choisissons un restaurant au bord de la plage. Un serveur nous accueille. Holla ! Il est très joli garçon. Le sourire de Willy ne lui laisse aucun doute sur le désir qu’il déclenche. Gêné et séduit, il nous trouve une table. Séduit, il redouble d’efficience pour nous servir rapidement. Gêné, il n’osera plus croiser le regard de son aguicheur. C’est si bon l’été quand le soleil a chauffé les corps toute la journée de laisser les jeux de la séduction charmer de brèves rencontres.
Notre projet, ce soir là, était de goûter les plaisirs de la fête foraine. Deux attractions étaient au programme.
Une cage sphérique, reliée à deux énormes élastiques tendus, accueille deux passagers. Elle est projetée en l’air brusquement lorsque ses caoutchoucs sont lâchés d’un coup. Yann et Vincent, nos deux fadas amateurs de sensations, s’étaient lancés le défit de se confronter à l’appareil. Les trois autres restèrent au sol, mi craintifs, mi admiratifs, partageant ainsi les sensations fortes induites par le manège. La petite vidéo qui a capté les grimaces de leur visage pendant la folie vertigineuse deviendra le moment hilarant des soirées hivernales.
La seconde attraction est un petit train conduit par un dragon dévalant un rail tel un grand huit pour enfant. Les tressautements de la queue de cheval d’une passagère avaient un soir déclenché chez nous des rires incontrôlables. Nous avions décidé de tester avant de partir les virages du dragon. Sylvianne dut faire une queue de cheval, tout le plaisir étant de suivre les mouvements de sa chevelure bousculée. Nous avons chacun pris place dans un chariot et nous nous sommes laissés aller aux mouvements libres du convoi.
C’est à ce moment, retrouvant notre âme d’enfant, l’insouciance, la spontanéité, riant à gorge déployée, les yeux brillants, la tête renversée, le corps relâché que nous avons été surpris par la première fusée. C’était le feu d’artifice inaugural de la saison qui commence.
Là sur la plage, les pieds dans le sable, la tête dans les étoiles nous avons assisté à l’embrasement du ciel. Du bleu, du rouge, du vert, du blanc, des traits, des boules, des couronnes, des étoiles qui se suivent, qui se croisent, qui nous laissent émerveillés et effrayés. C’est la joie de nos cœurs qui explosent, c’est la gaîté de nos sentiments qui brillent, c’est le bouquet final de nos vacances partagées.
Ce soir là l’amitié a illuminé le ciel et s’est reflétée dans la prunelle de nos yeux.
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J’ai les Clés du Paradis
Nous sommes allés en vacances à Ibiza. Nous avons vu une île et ses paysages. Nous avons senti le soleil et la mer sur notre peau. Nous avons goûté la bière et les tapas. Nous avons senti une ambiance. Et l’histoire de cette semaine n’est pas l’histoire que l’on vous montre.
Bien sur Ibiza c’est la fête et l’exubérance. Mais c’est aussi tout ce que l’on vient de vous raconter, ses images, ses sons, ses odeurs, ses sensations. Une atmosphère qui fait certainement le succès de l’île depuis toujours. Une turbulence qui traverse les époques et garde une certaine authenticité. Nous espérons que cela va exister longtemps.
Nous avons surtout trouvé, pendant huit jours entre nous cinq, un équilibre. Un équilibre juste, précis et accordé, comme une musique, comme une photo, comme un parfum, comme une saveur, comme une caresse. Un équilibre à tout instant.
Il y a l’équilibre des humeurs. Adieu agacement, énervement, contrariété, bonjour gaieté.
Il y a l’équilibre des sentiments. Adieu tristesse, colère et peur, bonjour la joie.
Il y a l’équilibre des besoins. Manger, boire, dormir au même moment.
C’est un peu comme si dans un espace temps suspendu, les petits désagréments du quotidien et les grandes questions de la vie, s’étaient absentés pour nous laisser tranquilles.
Il n’y a rien du miracle en cela, non. Mais certainement un secret commun qui permet le partage. Chacun a suffisamment d’amour, d’abnégation, de générosité pour soi même et pour l’autre. Et là, dans chaque instant, nous avons trouvé le bonheur.
Il y eu bien sur cette absence en permanence. Cette absence douloureuse pour chacun. Des larmes nous ont rappelé sa présence. Cette absence deviendra chaleureuse un jour parce qu’elle nous lie, parce qu’elle nous aime pour toujours. Elle s’est réjouie de notre bonheur certainement et cette bienveillance nous a permis de passer de si jolies vacances. Un temps pour nous aider à l’accepter, une parenthèse enchantée.
Voilà vous savez tout. Ibiza est un paradis que nous avons su prendre. Moi en souvenir je garderai au fond de moi cette ritournelle, ces trois notes, ces cinq mots.
C’est les clés du paradis
Sans dec’
C’est les clés du paradis
Je te jure
Texte Pierre Coumes